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samedi 23 janvier 2021

Raïssa Troyanker, Mon père...

Раїса Троянкер  
Raïssa Troyanker
1908-1945

Тато мій замучений і тихий,
Горбоносий стомлений єврей.
Він од кашлю ледве-ледве диха
І вночі шепоче: "вей, вей, вей".
Все життя він марив лиш про спокій,
А на скрипці скиглив у пивних,
Пропливали каламутно роки
На човнах дірявих, життьових.
Але тато не згубив надії
Про Сіон синяво-золотий.
Каже він: "душа єврея мрійна
В ньому мусить жити і рости".
Каже він, що я чужа й далека,
Бо мезузу й тору не люблю,
Бо не марю про сіонську спеку,
А в ячейку ввечері ходжу.
Тату, тату. Ханаан далекий,
Казка, мрія, вигадка чужа.
Я працюю на заводі "Века"
Й жовтенятко в мене дитинча.
Я не знаю водів Іордану,
Смутку кедрів і легенд старих
Про Мойсея і верхи Ливану,
І пісень про згаслих, неживих.
А колись старе умре й потоне,
І Сіон не буде голубим.
Він зміняє колір на червоний
І постука у комуни дім.
А тепер я знать його не хочу,
Ти ж мене, татусю, не клени.
Хай твої, од сліз погаслі очи,
А мої ж веселі і ясні.
Я працюю на заводі "Века"
Й жовтенятко в мене дитинча.
Голубий Сіон мені далекий,
Як легенда давня і чужа. 


Vétuste et doux bonhomme, mon père,

Vieux Juif au nez proéminent

A force de tousser, c'est à peine s'il respire,

Dans son sommeil inquiet, "oï-véï !" murmure.

Il n'a jamais voulu rien qu'une vie paisible,

Les tavernes s'égayaient de son triste violon.

Les flots des ans roulaient turbides, 

L'embarcation faisait eau, la barque du quotidien.

Et cependant il n'a perdu l'espoir

L'espoir du Sion or et bleu.

Il dit que "l'âme juive, rêveuse,

Se doit d'y vivre, d'y prospérer."*

Il dit que je me suis éloignée, que je suis devenue étrangère

Parce que je n'aime pas mézouza et Tora,

Que de Sion la canicule ne m'attire,

Et que le soir je suis à la cellule du Parti.

Oh papa ! Le pays de Canaan est si loin,

C'est un conte, un rêve, une invention bizarre.

Je travaille à l'usine, à l'usine "Veka",

Et mon enfant est Jovtégnia**.

Je n'ai que faire du fleuve Jourdain,

Des cèdres affligés et des légendes anciennes

A propos de Moïse et des sommets du Liban,

De la gloire des héros depuis si longtemps morts.

Ce qui est vieux finira par mourir, par disparaître,

Et Sion ne sera jamais bleu.

Il sera rouge un jour

Et viendra frapper à la porte de la Commune

Mais aujourd'hui, je ne veux pas le connaître,

Et toi, mon père, ravale ta colère,

Tes yeux sont délavés à force de larmes

Le miens sont clairs et joyeux.

Je travaille à l'usine, à l'usine "Veka"

Et mon enfant est Jovtégnia.

Trd.fr.O.M.
Le Sion bleu est si lointain

Comme une vieille légende étrangère.





 

  *  Paroles de la Hatikva, aujourd'hui hymne israélien et à l'époque celui du mouvement sioniste.

** Jovtégniaty, litteralement Octobriates, organisation de jeunesse en Oukraïne soviétique. Quittant les Jovtegniaty, l'enfant soviétique rejoignait les Pionniers, après quoi, éventuellement, le mouvement de jeunesse communiste, le Komsomol.

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