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dimanche 24 janvier 2021

Maroussia Tchouraï, Ne va donc pas, mon Hrytso, aux vétchornytsi...


 

 

 

 


 

 Maroussia Tchouraï

Маруся Чурай 

1625 - après 1652


Ой не ходи, Грицю, та й на вечорниці,
Бо на вечорницях дівки — чарівниці.
Котра дівчина чари добре знала,
Вона ж того Гриця та й причарувала.
Інша дівчина чорнобровая,
Та чарівниченька справедливая.
У неділю рано зілля копала,
В понеділок — переполоскала,
Як прийшов вівторок — зілля ізварила,
У середу рано Гриця отруїла.
Прийшов четвер — Гриць уже помер,
Прийла п’ятниця — поховали Гриця.
А в суботу рано
Мати дочку била:
— Ой нащо ж ти, доню, Гриця отруїла?
— Ой мамо, мамо, жалю в Вас не має…
Нехай же Грицько нас двох не кохає!
Нехай не буде ні тій, ні мені,
Нехай дістанеться та й сирій землі.
Така тобі, Грицю, за теє відплата —
З чотирьох дощичок темненька хата…




Ne va pas, Hrytsko, aux vétchornytsi,
Car aux vétchornytsi les filles sont magiciennes. 
Et la fille qui connaissait les charmes,
C'est elle qui l'a séduite.
Et une autre fille, une fille aux sourcils noirs, 
Une vraie magicienne.
Tôt le dimanche elle a cueilli les herbes,
Et le lundi elle les a détrempé,
Et quand ce fut mardi, elle les a fait bouillir,
Le mercredi à l'aube elle l'a empoisonné, Hrytsko,
Et quand jeudi fut venu, Hrytsko était mort,
Le vendredi on l'a mis en terre
Et le samedi matin
La mère battait sa fille :
- Oh, pourquoi donc, ma fille, as-tu empoisonné Hrytsko ?
- Oh, maman chérie, tu n'as pas de pitié pour moi...
Que Hrytsko n'en aime pas deux !
Qu'il ne soit pas à moi, qu'il ne soit pas à elle,
Qu'il soit à la terre fidèle.
Que ce soit là, Hrytsko, ta récompense,
Une demeure sombre de quatre planches.
Trd.fr.O.M.

Cette poésie de Maroussia Tchouraï est autobiographique. Née à Poltava en 1625, dans la famille du cosaque Hordiy Tchouraï, ayant rang d'essaoul. Il dut fuir chez les Zaporogues après avoir tué un noble polonais dans un duel, ou une rixe. Il a combattu les Polonais dans l'armée des Cosaques Zaporogues sous le commandement de Pavliouk, fut fait prisonnier et mis à mort à Varsovie en 1638. La veuve de Hordiy, Horpyna Tchouraï était veuve de héros, une famille respectable. Maroussia en plus d'être d'une grande beauté avait le talent de manier la langue, "elle était capable de parler en vers". Très courtisée, et notamment par Iskra, le fils du Hetman, sa préférence va à Hryhory Bobrenko, le fils du khorounjy du polk de Poltava. Lorsque celui-ci se fiança avec Halyna Vechnyakivna, fille de l'essaoul Fedir Vychnyak, et nièce du polkovnyk Martin Pouchkar. La trahison du bienaimé Hryts lui inspire des pensées suicidaires et des vers. Elle se jette dans la Vorskla, en réchappe, se rétablit, reprend vie, va de nouveau aux vétchornytsi. Lorsque lors d'une vétchornytsia organisée par son amie Mélania Barabachykha, elle rencontre Hryts et sa jeune épouse.  "Ne va pas, Hrytsko, aux vétchornytsi..."
En 1652, l'empoisonneuse est condamnée à avoir la tête tranchée en place publique (maïdan). La grâce du Hetman Bohdan Khmelnytsky arrive lorsque la poétesse est déjà montée sur l’échafaud. On dit qu'elle est morte peu après, de chagrin.
Il existe cependant une légende plus effrayante concernant le châtiment qu'elle se serait infligé. Elle se serait faite, dit-on, nonne dans un couvent moscovite. 

Maroussia Tchouraï, une Françoise Villon si l'on veut, s'il faut trouver à comparer. En tout cas une fille de Poltava, une payse de Mykola Hohol.

N.B. Concernant les vétchornytsi auxquels Hohol aussi fait allusion dans la note liminaire des "Veillées au hameau", voir l'article qui leur est consacré dans le numéro de Kryptadia sur le folklore oukraïnien de 1896.

 

1 commentaire:

  1. Chouette histoire, merci de nous la raconter. Vous exhumez des textes déjà traduits par vos soins jadis, dans l'ancien monde, où sont-ce des nouvelles de ce monde flottant ? Auquel cas, il vous réussit de toute évidence. En revanche, fautes d'accord au début: les a détrempées, les a faites etc. A vous donc, si vous apportez un quelconque intérêt à la conjugaison française

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