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mercredi 20 juin 2018

Sentsov, 38ème jour de la grève de la faim

 [The time is running out]
En ce qui concerne les poursuites judiciaires contre le terrorisme russe
(si le droit international est poussif aujourd'hui, demain le verdict du tribunal devra être impitoyable).



La chambre de la Cour européenne des droits de l’homme à laquelle avaient été attribuées quatre requêtes interétatiques de l’Ukraine contre la Russie s’est dessaisie en faveur de la Grande Chambre de la Cour.

Ces quatre affaires sont Ukraine c. Russie (requête no 20958/14), Ukraine c. Russie (IV) (no 42410/15), Ukraine c. Russie (V) (no 8019/16), et Ukraine c. Russie (VI) (no 70856/16).
Ces affaires portent sur des allégations de l’Ukraine selon lesquelles la Russie et des groupes armés contrôlés par elle auraient commis des violations de la Convention européenne des droits de l’homme. Les requêtes ont été formulées sur le terrain d’une série d’articles, notamment les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à
la liberté et à la sûreté) et 6 (droit à un procès équitable).



Ukraine c. Russie (requête no 20958/14) et Ukraine c. Russie (V) (requête no 8019/16)
La requête initiale, Ukraine c. Russie, a été introduite le 13 mars 2014.

Selon le gouvernement ukrainien, à compter du 27 février 2014, la Fédération de Russie – par sa
mainmise effective sur la République autonome de Crimée, qui fait partie intégrante de l’Ukraine, et
par son contrôle sur les séparatistes et sur les groupes armés opérant dans l’est de l’Ukraine – a exercé sa juridiction sur une situation qui a donné lieu à de nombreuses violations de la Convention.
Le gouvernement requérant invoque les articles 2, 3, 5, 6, 8 (droit au respect de la vie privée), 9
(liberté de religion), 10 (liberté d’expression), 11 (liberté de réunion et d’association), 13 (droit à un
recours effectif) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention, ainsi que l’article 1 du
Protocole n° 1 (protection de la propriété) et l’article 2 du Protocole n° 4 (liberté de circulation) à la
Convention.

Le gouvernement requérant affirme en particulier qu’entre mars et septembre 2014 des militaires,
des membres des forces de l’ordre et des civils ukrainiens ont été tués en conséquence de
l’annexion – illégale selon le gouvernement requérant – de la Crimée et du soutien de la Russie à des
groupes séparatistes armés dans l’est de l’Ukraine, ce qui s’analyserait en une pratique répandue et
systématique. Le gouvernement requérant allègue également des cas de torture ou d’autres formes
de mauvais traitements infligés à des civils, ainsi que des privations arbitraires de liberté. Il allègue
aussi qu’un certain nombre de Tatars de Crimée ont subi des mauvais traitements en raison de leur
origine ethnique ou de leurs tentatives pour protéger les symboles nationaux ukrainiens. Il soutient
que les ressortissants ukrainiens résidant en Crimée et à Sébastopol ont été automatiquement
reconnus comme des ressortissants russes et que des pressions ont été exercées sur ceux qui
exprimaient le souhait de conserver la nationalité ukrainienne. Des journalistes auraient fait l’objet,
dans le cadre de leur travail, d’agressions, d’enlèvements, de mauvais traitements et d’actes de
harcèlement. Les autorités autoproclamées de la République de Crimée se seraient illégalement
approprié des biens appartenant à des personnes morales ukrainiennes, actes qui auraient par la
suite été validés par la législation russe. Enfin, le gouvernement requérant soutient qu’en raison de
la nouvelle frontière entre la Crimée et l’Ukraine, l’entrée en Crimée des ressortissants ukrainiens
est soumise à des restrictions illégales.

La Cour a décidé d’appliquer l’article 39 de son règlement (mesures provisoires). [Aux termes de l’article 30 de la Convention européenne des droits de l’homme, « si l’affaire pendante devant une chambre soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou de ses Protocoles, ou si la solution d’une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour, la chambre peut, tant qu’elle n’a pas rendu son arrêt, se dessaisir au profit de la Grande Chambre, à moins que l’une des parties ne s’y oppose. »] Elle a appelé la
Russie et l’Ukraine à s’abstenir de prendre toute mesure, en particulier de nature militaire, qui
pourrait donner lieu à des violations des droits de la population civile au regard de la Convention, en
particulier des articles 2 et 3 de celle-ci. Cette mesure provisoire est toujours en vigueur.

Division de l’affaire
Le 9 février 2016, dans un souci d’efficacité, la Cour a décidé de diviser cette affaire en deux, selon
un critère géographique : tous les griefs relatifs aux événements survenus en Crimée jusqu’en
septembre 2014 continuent de relever de l’affaire no 20958/14 ; les griefs relatifs aux événements
survenus dans l’est de l’Ukraine et dans le Donbass jusqu’en septembre 2014 correspondent
désormais à l’affaire Ukraine c. Russie (V), requête no 8019/16.
Le gouvernement requérant et le gouvernement défendeur ont soumis des observations sur le fond
des affaires.

Ukraine c. Russie (IV) (requête no 42410/15) et Ukraine c. Russie (VI)
(no 70856/16)
La requête initiale, Ukraine c. Russie (IV), a été introduite le 27 août 2015.
L’affaire porte principalement sur les événements survenus en Crimée et dans l’est de l’Ukraine à
partir de septembre 2014.
Le gouvernement ukrainien soutient que la Fédération de Russie a exercé et continue d’exercer un
contrôle effectif sur la Crimée et – en y contrôlant les séparatistes et groupes armés – un contrôle de
facto sur les régions de Donetsk et Louhansk. Selon le gouvernement ukrainien, la Russie est à ce
titre responsable de multiples violations de la Convention dans ces zones.
Le gouvernement requérant invoque les articles 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 14 et 18 (limitation de l’usage
des restrictions aux droits) de la Convention, ainsi que l’article 1 du Protocole n° 1, l’article 2 du
Protocole n° 1 (droit à l’instruction) et l’article 3 du Protocole n° 1 (droit à des élections libres) à la
Convention.
Le gouvernement requérant affirme en particulier que des cas de disparition de militants de
l’opposition et de membres de la communauté des Tatars de Crimée ont été constatés en Crimée. Il
allègue par ailleurs qu’il y a eu des décès de civils et de militaires, quasi quotidiennement, dans les
régions de Donetsk et de Louhansk, résultant du recours à la force par des groupes armés contrôlés
par la Russie. Il soutient que, tant en Crimée que dans les régions de Donetsk et Louhansk, des civils
et des militaires ukrainiens ont été torturés ou maltraités par des groupes armés contrôlés par la
Russie.
Le gouvernement requérant allègue qu’il y a eu des arrestations arbitraires de Tatars de Crimée et
de militants pro-ukrainiens, des perquisitions et des saisies dans des églises, ainsi que des cas
d’enlèvement de prêtres et de détention de ceux-ci comme otages. Il indique que, en raison du
contrôle de la Crimée par la Russie, le fonctionnement des autorités policières et judiciaires
ukrainiennes y est suspendu, même si des membres du personnel judiciaire poursuivent leur travail,
appliquant la législation russe. Dans les régions de Donetsk et de Louhansk, les chaînes de télévision
ukrainiennes ne seraient plus en mesure d’émettre et la liberté des journalistes serait encore
davantage restreinte par l’enregistrement obligatoire de tous les médias.
Le gouvernement requérant se plaint également de la communication d’informations inexactes et de
l’utilisation d’expressions dénigrantes à l’égard de l’Ukraine, de ses représentants et de sa
population, dans les médias aussi bien en Russie que dans le sud-est de l’Ukraine, utilisant dans ce
contexte l’expression « discours de haine ».
Selon les observations du gouvernement requérant, d’autres mesures d’expropriations illégales ont
également été mises en oeuvre et, dans les écoles situées en Crimée et dans certains districts des
régions de Donetsk et Louhansk, aucun enseignement en Ukrainien et en langue tatare de Crimée
n’est assuré. Enfin, selon le gouvernement requérant, dans les zones en question, les citoyens n’ont
pu participer aux élections au Parlement ukrainien et les scrutins qui se sont tenus dans ces zones
n’ont pas satisfait aux exigences de la Convention.

Division de l’affaire
Comme pour la précédente requête, le 25 novembre 2016 la Cour a décidé, dans un souci
d’efficacité, de diviser l’affaire en deux : les griefs relatifs aux événements survenus en Crimée
continuent de relever du numéro de requête initial ; les griefs relatifs aux événements survenus dans
l’est de l’Ukraine et dans le Donbass correspondent désormais à l’affaire Ukraine c. Russie (VI)
(no 70856/16).
Autres affaires portées devant la CEDH

L’affaire Ukraine c. Russie (II) (requête no 43800/14) a été introduite le 13 juin 2014. Elle porte sur
l’enlèvement allégué de trois groupes d’enfants dans l’est de l’Ukraine et sur leur transfert
provisoire en Russie à trois reprises, entre juin et août 2014. Cette affaire est pendante devant une
chambre.

La requête Ukraine c. Russie (III) (no 49537/14) a été rayée du rôle par la Cour en septembre 2015,
le gouvernement ukrainien ayant déclaré qu’il ne souhaitait plus la maintenir.
Outre les requêtes interétatiques, plus de 4 000 requêtes individuelles manifestement liées aux
événements en Crimée ou aux hostilités dans l’est de l’Ukraine sont actuellement pendantes devant
la Cour.

En juillet 2016, la Cour a déclaré irrecevable une affaire, Lisnyy et autres c. Ukraine et Russie
(requêtes nos 5355/15, 44913/15 et 50853/15), qui portait sur la destruction, par des tirs de
mortier, des maisons des requérants dans l’est de l’Ukraine. La Cour a estimé que les allégations
n’étaient pas suffisamment étayées par des preuves. Par ailleurs, 1 170 requêtes similaires
insuffisamment étayées ont été écartées en 2016.

La Cour examine encore des requêtes introduites par des proches de victimes du crash de l’avion
MH17 de la Malaysian Airlines, abattu en juillet 2014 (Ioppa c. Ukraine et 3 autres requêtes,
no 73776/14), et la requête d’une femme militaire dans l’armée de l’air ukrainienne qui a été
détenue par des groupes armés dans l’est de l’Ukraine et par la Russie pendant près de deux ans
(Savchenko c. Russie, no 50171/14).

Contacts pour la presse
echrpress@echr.coe.int | tel: +33 3 90 21 42 08

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