[The time is running out]
Un document pour le moins étonnant.
L'Affaire Raffalovitch en direct live.
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Il y a quatre jours, le 14, au 32ème jour de la grève de la faim de Oleg Sentsov, Arthur Chevalier et Chevrine Oftadeh faisaient paraître dans Figaro.fr un texte, reproduit in extenso (au titre de pièce à conviction), et intitulé
Coupe du monde : quand la politique s'invite sur la pelouse
Par Arthur Chevallier Chervine OftadehPublié le 14/06/2018 à 15:53
FIGAROVOX/TRIBUNE - Arthur Chevallier et Chervine Oftadeh rappellent, à
l'occasion de l'ouverture d'un mondial fortement marqué par les tensions
internationales, que le football a toujours été l‘un des terrains de
jeux des conflits entre nations.
Arthur Chevallier est éditeur, et publiera son prochain livre, Napoléon sans Bonaparte, en octobre 2018.
Chervine Oftadeh est diplomate et collaborateur des Nations unies au Nigéria
Et c'est r'parti, comme en 36 ! |
Que le représentant de la Fifa fasse la promotion de la neutralité du sport est louable. Qu'il feigne de diriger une institution apolitique est irresponsable dans la mesure où cette dernière est non seulement l'organisatrice d'une des compétitions les plus populaires du monde, mais aussi connue pour ses actes d'ingérence. Comme ceux commis au Brésil, en 2014. Alors que la commercialisation d'alcool dans les stades était interdite depuis 2003, la Fifa a forcé Dilma Rousseff à faire voter une mesure autorisant la vente de bière, exclusivement produite par Budweiser, sponsor de la fédération internationale de football, pendant les matchs. Cette «exception» légale s'ajoutait à d'autres, nombreuses, rassemblées dans une loi exceptionnelle, comme autant de conditions imposées au pays pour avoir le privilège d'organiser l'événement.
En plus de ces immixtions, dont l'association à but non lucratif est coutumière, le contexte géopolitique contredit Gianni Infantino. En annulant sa rencontre avec Israël, l'Argentine a donné le ton de la compétition internationale qui s'ouvre aujourd'hui en Russie. Le 1er mars 2018, la fédération israélienne de football confirme la venue de l'Albiceleste, dont le capitaine est Lionel Messi, pour un match amical le 9 juin. Entre-temps, l'ambassade des États-Unis a été transférée à Jérusalem, provoquant des manifestations à Gaza, des heurts avec l'armée israélienne où sont mortes des dizaines de personnes. Lorsque la ministre de la Culture et des Sports de l'État hébreu décide d'organiser le match à Jérusalem, et non au stade Sammy-Ofer de Haïfa, où l'équipe nationale joue habituellement, la rencontre revêt un caractère politique. Pour Benjamin Netanyahou, une poignée de main avec Lionel Messi à Jérusalem aurait été bienvenue. Côté palestinien, c'est l'occasion d'un appel au boycott. L'Association argentine de football annule la rencontre pour des raisons «sécuritaires» selon son président, Claudio Tapia. Les Argentins ont voulu éviter d'être les héros d'une crise diplomatique à laquelle ils sont étrangers, au sens propre comme au figuré. L'excitation en Israël était aussi provoquée par la présence de Lionel Messi sur le sol hébreu puisqu'en cas d'absence de ce dernier, la somme versée par la fédération israélienne à son homologue argentine aurait été divisée par deux.
Les difficultés rencontrées par les équipes palestiniennes pour disputer des matchs, ainsi que les refus de joueurs arabes ou iraniens de jouer contre, ou chez, une équipe israélienne prouvent la dimension sportive des conflits. Le problème est institutionnel. En 1974, Israël est exclu de la Confédération asiatique de football. Cette décision est la conséquence de boycotts d'États membres de la même confédération, qui refusent d'affronter Israël. Ce n'est qu'au début des années 1990 que les clubs israéliens retrouvent les compétitions officielles… mais européennes! L'UEFA intègre Israël dans la «zone Europe» et les clubs hébreux dans les compétitions du Vieux continent. Anomalie géographique, cette décision politique n'est ni la première, ni la dernière prise par les institutions du football.
En 1992, la Yougoslavie est favorite à l'Euro suédois. L'Étoile Rouge de Belgrade a remporté la coupe d'Europe des clubs champions, et nombreux sont les clubs européens qui ont pour stars des joueurs croates, serbes ou bosniaques. Après le début du conflit, en octobre 1991, le conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 757, qui oblige aux États membres «d'empêcher la participation à des manifestations sportives sur leur territoire de personnes ou de groupes représentant la République Fédérale de Yougoslavie». La FIFA suspend la fédération yougoslave de football et, en accord avec l'UEFA, exclut l'équipe yougoslave de l'Euro. Le Danemark, qui n'était pas qualifié, la remplace et remporte la compétition. Récemment, en 2014, l'UEFA se mêle à sa façon du conflit entre l'Ukraine et la Russie. Face aux inquiétudes des fédérations russes et ukrainiennes quant à la sécurité des matchs entre équipes des deux pays, l'UEFA décide d'empêcher les affrontements entre clubs russes et ukrainiens, et ce jusqu'à nouvel ordre. Cette décision n'est toujours pas levée.
Si la Fifa joue un rôle politique, les États, volontairement ou involontairement, se servent aussi du football comme d'un outil politique. En 1986, quatre ans après la fin de la guerre des Malouines, l'Argentine réalise avec un ballon ce qu'elle avait été incapable de faire avec des armes: se venger de Margaret Thatcher. En quart de finale de coupe du monde, l'équipe dirigée par Bobby Robson est humiliée par Maradona. À la 51e minute, il reprend un centre de la main gauche et propulse le ballon dans les filets. Les Anglais protestent. L'arbitre, persuadé qu'il s'agit d'une tête, accorde le but. La «main de dieu», comme Maradona qualifiera son geste, est désormais légendaire. Quelques minutes plus tard, «el pibe de oro» récupère le ballon dans sa moitié de terrain, dribble cinq adversaires, le gardien, marque à nouveau au terme d'une chevauchée à travers la pelouse du stade Azteca. Au terme de la rencontre, le héros du match déclare: «C'était une finale pour nous. Il n'était pas question de gagner un match, il s'agissait d'éliminer les Anglais. Je n'oublierai jamais cette rencontre.»
Plus récemment, les indépendantistes catalans ont utilisé le FC Barcelone comme tribune politique, surtout au cours de la saison 2017-2018. Qu'il s'agisse de chants, de drapeaux ou de tifos, les socios du Barca ont utilisé leur stade du Camp Nou pour se faire entendre en Espagne, en Europe et au-delà. Le 1er octobre 2017, jour de référendum en Catalogne, le club blaugrana a «condamné les actions menées pour empêcher l'exercice du droit démocratique et la libre expression des citoyens» catalans et décidé de jouer le match du jour à huis clos. Pep Guardiola, entraîneur de Manchester City et légende du Barca, est devenu le porte-parole de la cause catalane outre-manche en arborant un ruban jaune en soutien à des indépendantistes incarcérés. Il leur a même dédié la victoire de son équipe contre Naples le 18 octobre 2017.
Les États qui souhaitent organiser la coupe du monde justifient les dépenses réalisées par le bénéfice économique et social engendré sur le long terme. Qu'il s'agisse du mondial sud africain ou de celui au Brésil quatre ans plus tard, on peut douter des retombées espérées. Les concessions accordées à la Fifa, le décalage entre les investissements et la fragilité des systèmes de santé et d'éducation, ou les opérations de «nettoyage» dans les favelas ont généré la plus grave crise depuis l'accession au pouvoir de Lula. Dilma Rousseff rêvait d'une victoire en finale, et à domicile, de la Seleçao pour calmer la fronde. L'humiliation infligée par l'Allemagne en demi-finale (victoire 7-1) ne fera que la renforcer. Rousseff sera destituée deux ans plus tard. Autrement dit, la coupe du monde est une opération bénéficiaire si l'équipe du pays organisateur réalise une performance exemplaire, à l'image de celle de la France en 1998. Dans son éditorial du 13 juillet 1998, au lendemain de la victoire des Bleus, le journaliste de L'Équipe Jérôme Bureau écrivait: «De cette journée historique, il reste des images que nous n'oublierons jamais (…) L'image d'une tribune officielle où, pour la première fois de notre histoire, tout un gouvernement s'intéressait au sport.» Les hommes politiques voulaient récupérer une part de la popularité d'une France «black, blanc, beur», ayant conscience que l'euphorie du «vivre ensemble» serait éphémère.
Chaque mondial provoque des tensions politiques, des espoirs, des désespoirs et des triomphes. Cette année, la crise entre la Russie et l'Angleterre depuis l'empoisonnement d'un ancien espion russe à Londres mine la préparation des Three Lions en quête d'un premier titre mondial depuis 1966. Aucun membre de la famille royale ou du gouvernement ne fera le déplacement en Russie et les autorités britanniques ont appelé les supporters anglais à être vigilants. Suite au retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement des sanctions, l'équipementier Nike a décidé de ne plus équiper en chaussures les joueurs iraniens: «Les sanctions signifient qu'en tant que société américaine, nous ne pouvons pas fournir de chaussures aux joueurs de l'équipe nationale iranienne pour le moment.» Prouvant ainsi que la phrase de Bill Shankly, entraîneur légendaire du club de Liverpool de 1959 à 1974, n'a rien perdu de sa force: «Certaines personnes pensent que le football est une question de vie ou de mort. Je n'aime pas cette attitude. Je peux leur assurer que c'est beaucoup plus que cela.»
Arthur Chevallier est éditeur, et publiera son prochain livre, Napoléon sans Bonaparte, en octobre 2018.
Chervine Oftadeh est diplomate et collaborateur des Nations unies au Nigéria
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Au 32ème jour de la grève de la faim de Oleg Sentsov ni son cas, ni son nom même, ne sont mentionnés. Guerre de l'information ? Liste Raffalovitch ?
A suivre : c'est aujourd'hui le 36ème jour de la grève de la faim de Oleg Sentsov, cinéaste, otage, héros.
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