empruntées au blog du traducteur Jean-Claude Marcadé
tirées du numéro 151 (2015) de la revue po&sie
Accompagnées par trois peintures de David Bourliouk.Les mémoires
Moi chanteur azur que je suis
je regarde dans les yeux des pavés je crochète le voile de nuit
des mémoires d'une prostituée.
David Bourliouk, "Arrivée du printemps et de l'été", 1914 |
Les demoiselles coquettes se promènent
en robes couleur nature morte de Van Gogh. Elles et moi on s’entr’aime
et j’attends les griffes d’une pieuvre…
1914
Une cheminée d’usine
Une cheminée d’usine avec un cercle rouge au-dessus du monde le fer les troncs la grue les chaînes l’eau
2 gueux chinois ils ont deux paniers de pistaches chacun
deux fillettes en jupettes rouges
deux jeunes filles qui trottent habillées à la mode
et au-dessus le ciel enfumé
et puis au-delà de la montagne
la silhouette de la cheminée d’usine comme un rébus et puis encore la mer.
1915
Le Conducteur
Je voudrais être
un conducteur dans un train de marchandises et toute la nuit
la nuit triste
froide et pluvieuse
rester près du frein
en touloupe
se blottir et se pencher
regarder l’abîme qui court.
évoquer les jours passés
mais restés dans le cœur
comme des claires rayons
évoquer de chers visages
endormis à jamais dans le cœur
à jamais
évoquer
évoquer
en cherchant dans le noir.
1916
L’hirondelle
Je n’ai pas vu l’hirondelle depuis longtemps
Depuis longtemps je n’ai vu ce petit oiseau élastique. Dites-donc, ça fait des années des années que je n’ai pas vu l’hirondelle.
1917
David Bourliouk, sans titre, 1917 |
Mets-toi en deuil
Prêt d’aller un jour au concert
dans la glace d’un trumeau
de la petite chambre verte
j’ai vu la mort.
J’ai demeuré abasourdi
J’ai eu tort d’entrer
et de te rendre confuse. Tu m’as dit : «Oh je ne suis pas encore prête».
Mais lorsque un jour encore
je réapparaîtrai sur ton seuil c’est qu’il faudra que tu pleures et que tu te
mettes en deuil.
1918De tes tendres genoux
À travers mes chansons d’argent
je te vois partout.
Tiens, voilà un serpent. Cache-le sur tes genoux.
Cache ton âme et ton cœur de
l’hiver triste et fou.
Je te parlerai à cette heure de tes tendres genoux.
1918
Tandis que de tous les hommes
déborde l’éternité. Des millions d’hommes présents et futurs
des millions d’hommes
de la mort.
La vie ne meurt pas ainsi.
Ainsi nous allons à l’éternité.
Atlantostroï,
Nilostroï, –
sont remplacé par notre Dnieprostroï.
Voilà pourquoi quand je mourrai moi-aussi – mettez mon cure-dent
et ma valise
à côté.
1920
L’interférence
Qu’est-ce que c’est
que l’amour et l’accouplement? L’interférence spiritualisée,
les atomes, c’est ça le machin.
La jalousie, la jalousie,
c’est quoi, ce truc?
C’est la nuit et la cruauté d’Asie et la faiblesse qui tue.
Les voilà ensemble, heureux à l’abri
de cette élégie
Ce sont des bacchanales sous la lune pourrie. La psychopathologie !1921
David Bourliouk, "Rivages du Japon", 1922 |
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