"Je Vous demande de rechercher l’adresse de « La Réforme » ou d’un autre journal français radical ou socialiste (un qui ne soit pas franco-russe)..."
Lessya Oukraïnka, 1896
France Culture a la bonne idée de rediffuser ce samedi matin le « Magazine
de la rédaction » du vendredi. « Y a-t-il encore une Ukraine
pro-russe ? »
ЄвроМайдан Донецьк |
Eric Biegala : Quand on parle avec les gens à Donetsk, il est assez difficile, finalement, de trouver de véritables soutiens du Parti des Régions et du Président Yanoukovytch. J’en ai trouvé un moi, on l’entend dans le reportage, je l’ai mis – il y en a. Mais c’est difficile, c’est difficile de faire dire aux gens de manière spontanée « Et bien je soutiens le Parti des Régions », « Il faut qu’on aille vers la Russie ». C’est de plus en plus difficile.
Difficultés
d’un journaliste français confronté à la réalité.
Et peu de temps après la question oukraïnienne fut de nouveau abordée – « Peut-on encore aimer l’Europe ? » par Alain Finkelkraut et ses invités des « Répliques ».
Jean-Pierre Chevènement : L’Ukraine est elle-même un pays divisé.
Alain Finkelkraut : Mais oui, c’est ce que j’ai dit.
Plus aucune difficulté.
Reprenons.
Magazine de la rédaction « Y a-t-il encore une Ukraine pro-russe ? »
Aurélie Kieffer : Alors
là on voit très clairement un pays avec une fracture très impressionnante entre
l’Est et l’Ouest...
Annie Daubenton : Alors là... effectivement... je ne serais
pas tout à fait d’accord... D’abord cette fracture...
Eric Biegala : Très grossie... /?/
Annie Daubenton : Non, mais c’est normal... et je trouve le
reportage aussi très intéressant d’avoir donné cet aspect-là des choses. Mai il
faut pas oublier qu’on dit l’Est – Donetsk. Faut pas oublié qu’il y a Kharkov [il
s’agit de la ville oukraïnienne de Kharkiv], qui est une ville universitaire
admirable... et je dirai comme exemple tout récent ; c’est à Kharkov [Kharkiv]
qu’on est en train d’organiser la réunion de tous les Maïdans de toute l’Ukraine.
Et ça c’est organisé par le Maïdan de Kharkov [Kharkiv]. Donc cette vision
très... clivante pour employer nos termes à nous, entre la capital, ceux-qui-foutent-rien
et qui sont de gros paresseux qui rêvent et qui ont des idéaux et ceux, qui
finalement, sont au charbon est quand même un peu disons caricaturale. Et puis
l’autre chose, c’est que cette fracture était peut-être plus présente au moment
de la Révolution orange. C’est-à-dire qu’il y avait d’avantage de... de... d’opinions...
je dirais de poids de mentalité soviétique au moment de la Révolution orange
qui se faisait sentir.
(...)
Et donc il faut souligner que lors des derniers scrutins et tous les sondages le disent : le Parti des Régions a pris, pour employer nos termes occidentaux, une claque phénoménale. On est à moins 30 % pratiquement dans tous les scrutins des dernières législatives. Et du coup ce clivage qui, disons, était territorial, mais, je ne l’ai jamais pratiqué dans l’analyse, mais on peut le dire, est devenu un clivage d’opinion. Et c’est ça qui devient beaucoup plus intéressant si l’on parle d’un Etat qui aspire à la démocratie.
(...)
Et donc il faut souligner que lors des derniers scrutins et tous les sondages le disent : le Parti des Régions a pris, pour employer nos termes occidentaux, une claque phénoménale. On est à moins 30 % pratiquement dans tous les scrutins des dernières législatives. Et du coup ce clivage qui, disons, était territorial, mais, je ne l’ai jamais pratiqué dans l’analyse, mais on peut le dire, est devenu un clivage d’opinion. Et c’est ça qui devient beaucoup plus intéressant si l’on parle d’un Etat qui aspire à la démocratie.
Jean-Pierre
Chevènement : Il est trop facile de dire que l’Europe ce sont des valeurs, des
normes, des standards que nous diffusons, etc. Non, l’Europe, ce soit être
aussi une politique. Et une politique avisée qui se fera par exemple avec la
Russie dans l’affaire de l’Ukraine. On a vue à la fin de l’an dernier un accord
d’association avec l’Ukraine qui n’avait pas du tout été concerté avec la
Russie. Il y a un partenariat orientale, il y a un partenariat de l’Union Européenne
avec la Russie, mais ces deux partenariats sont menés séparément les uns des
autres comme si l’on voulait opposer les uns aux autres. Or dans l’Europe du
21eme siècle nous devons non pas rallumer une nouvelle guerre froide, mais au
contraire mettre l’accent sur ce qui peut rapprocher les peuples, et le peuple
russe est un peuple européen.
Alain Finkelkraut : Oui, mais alors...
Jean-Pierre
Chevènement : ... avec une grande culture.
Alain Finkelkraut : ... c’est un peuple européen, disant cela
vous vous placez en contradiction avec un certain nombre d’auteurs des pas qui
se sont trouvés aux marges de la Russie. Polonais ou Tchèques, par exemple. Ou
même Roumains. Je pense à Cioran. Je pense à Czislaw Milosz dans son livre « Une
autre Europe », où il dit « Non... Il y a... » Ou citons Joseph
Conrad. Parlons de la différence de tempérament entre les uns et les autres. Et
le cas ukrainien est très intéressant. Une partie de l’Ukraine se tourne vers l’Europe
pour des raisons politiques, mais aussi civilisationnelles. Et une autre partie
se tourne vers la Russie. Et le rêve de Poutine, c’est quand même de
reconstruite quelque chose comme l’Empire. Puisqu’il l’a dit : « La
destruction de l’Union Soviétique est la plus grande catastrophe du 20eme
siècle ». Si nous prenons en compte ce qui se passe en Ukraine, ça nous amène
aussi à nous poser la question « Qui nous sommes ? », « Qu’est-ce
qui nous définit ? » ou « Jusqu’où vont nos frontières ? »
Et vous intégrez un peu vite la Russie dans les frontières de l’Europe.
Jean-Pierre Chevènement : Permettez-moi de vous répondre. Se
définir, oui. Mais pas forcement se définir contre. J’ai connu Cioran. Mais je
suis loin de reprendre toutes les idées que Cioran a émises. Et je ne reprends
pas sans examen toutes les idées qui peuvent être émises dans les pays baltes,
en Pologne, en Ukraine... L’Ukraine, est elle-même un pays divisé.
Alain Finkelkraut : Mais oui, c’est ce que j’ai dit.
Jean-Pierre
Chevènement : ...il y a une partie catholique, uniate, tournée vers la
Pologne et les pays baltes. La Lithuanie notamment. Et puis une partie
russophone. Et je dirais que depuis le 17 siècle la Russie va jusqu’au Dniepr [fleuve
d’Oukraïne, le Dnipro]. L’Ukraine a été la première russie. Et penser que les
relations entre la Russie et l’Ukraine ne sont pas déjà extrêmement étroites...
Y’a 80 milles entreprises qui exportent de part et d’autre de la frontière. On
veut vraiment substituer l’Union Européenne à... cette... interrelation qui
existe. Ça peut se faire que très progressivement. Les Ukrainiens qui
manifestent dans la rue évoquaient des sommes mirobolantes que nous serions
prêts à déverser sur l’Ukraine. Je crois qu’on a vu ce qui donnait le premier
élargissement. Et il me semble qu’il serait raisonnable de poser le problème de
l’Ukraine en concertation avec la Russie qui d’ailleurs vient d’adhérer à l’OMC.
Je pense que ça ne devrait pas être un sujet de friction.
Quant à
Poutine. Je sais que l’anti-poutinisme est très à la mode. Et je ne reprends
pas bien évidemment à mon compte tout ce que dit et fait Vladimir Poutine...
mais il a interrompu... la... chute économique de la Russie qui avait perdu la moitié
de son PNB. Et il lui a redonné une place dans les relations internationales
qui est une place tout à fait estimable. Je ne parlerai pas de nouvel empire,
la Russie n’en a pas les moyen. La Russie c’est 140 millions d’habitants, la
Chine c’est 140 milliards [?]. Raisonnant à l’échelle du siècle, regardons
comment ... et croyez-moi, le développement
de la Russie et de ses classes moyennes fera plus pour la démocratie que l’envoie
des pèlerins de Artic Sun Rise, que nous prenons pour des missionnaires pieux.
Alain
Finkelkraut : Mais je ne crois pas qu’il faille...
Jean-Pierre
Chevènement : ...ou Khodorkovsky... pour un défenseur des droits de l’homme,
c’est quand même un peu plus compliqué.
Alain
Finkelkraut : Oui, mais...
Jean-Pierre
Chevènement : ... disons qu’il avait mis la main sur toutes les richesses
en hydrocarbures de la Russie dans les années 90. Bon, effectivement, c’est un
problème.
Alain
Finkelkraut : Non, mais c’que j’voulais dire c’est... je ne sache pas
faire de l’antipoutinisme. J’pense que Poutine perpétue une Histoire, continue
une Histoire, qui est celle de la Russie. Et cette Histoire se distingue, quand
même, par beaucoup d’aspects de l’Histoire européenne.
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