Je vous
ai déjà fait part de mon étonnement concernant l’extravagante manière qu’a eu l’ABES (à la suite de la
Bibliothèque Nationale de France) de traiter le recueil de Khvylovy, ou plus
exactement son auteur.
"Prosateur et auteur de pamphlets. Nationaliste
ukrainien."
Trois
mois après que je me sois moqué d’elle, la très officielle Agence
Bibliographique de l’Enseignement Supérieur a modifié la notice incriminée...
... roulement
de tambour ...
Et
oui, toujours "nationalise ukrainien" le camarade Fitiliov. Mais
visiblement il s’est trouvé un russophone dans cette institution au service de
l’enseignement très supérieur
qui corrigea la transcription bien trop nationaliste de "Khvylovy, Mykola"
en "Mikola Hvilʹovij". Et pour que les petits
nationalistes dans mon genre ne puissent contester l’évidence, l’originale fut
ajoutée à la notice : "Микола Хвильовий".
J’aurais
dû présenter mes excuses à cette haute institution (d’Etat)... s’il n’y avait
un tout petit détail. Il est bien vrai que transcrit du russe Mikola Hvil’ovij
est une version parfaitement acceptable. Le problème est que l’original n’est
pas écrit dans cette langue, mais dans une autre : l’oukraïnien. Et si la
plupart des lettres des deux alphabets sont les mêmes, elles ne se prononcent
pas forcément de la même manière. Ainsi ce N inversé se lit bien i dans la
langue russe, en oukraïnien en revanche il correspond à un son imprononçable en
français et qui ressemble assez à celui correspondant à la lettre russe Ы. Les deux (le И oukraïnien et le Ы russe) sont transcrit en
français par la lettre Y.
Le i
en oukraïnien ? Rien de plus facile : i. (Une lettre que les Russes
ont perdue au cours de leur histoire agitée.)
Il
existe aussi ce son oukraïnien qui fait tant rire les Russes, la lettre qui le
désigne a cette forme : Г.
En russe cette lettre se lit gué, et est transcrite (du russe) par la lettre G.
Mais le son gué existe aussi en oukraïnien et nous l’écrivons avec ce petit
signe rhinocéros : Ґ.
Et pour le rendre en français utilisons la lettre G. Quant au Г oukraïnien, nous le
transcrivons avec la lettre H. Vous connaissez un mot oukraïnien qui commence
par cette lettre : Holodomor, "mort massive par la faim", phase
finale du génocide oukraïnien. Le son est le même que celui correspondant à la
lettre ה en hébreu.
...
Ces
enfants qui meurent de faim pendant que l’Europe repue mange du bon pain
oukraïnien disent "Du pain, du pain. Nous avons faim." - "Хліба,
хліба. Голодні." On comprend facilement que la
transcription dont se sert Suzanne Bertillon (mi-oukraïnienne mi-russe) est absurde
puisque deux sons différents sont rendus par une seule et même lettre, le H.
Ainsi, si l’on
retranscrit cette citation, dans le cas d’une
lecture oukraïnienne cela donnera : Гліба, гліба. Голодні (deux mots incompréhensibles
et "sommes affamés"), et dans une lecture russe : Хліба,
хліба. Холодні. ("Du
pain, du pain. Nous sommes froids.")
...
Encore
un détail. L’Agence Bibliographique de l’Enseignement Supérieur prétend
que la source de son savoir (défaillant comme nous venons de le voir) est la
BNF. Or la fiche de la BNF concernant Mykola Khvylovy est restée inchangée...
Cette
histoire a une morale qu’il importe de formuler...
Je me demande combien de temps il faudra à l’Agence pour réagir cette fois-ci.
RépondreSupprimerOn verra bien. Nous sommes le 11 septembre 2013, top chrono.