Lorsqu’un Français vous dit
"Nous ne savions pas" – sachez qu’il ment.
Не забувайте : француз, який вам каже "Ми не знали" – бреше.
Nous quittâmes Kiev pour les villages des environs où
nous avions laissé de la famille. Quelle ne fut pas notre surprise de voir à la
place des villages riants et coquets que nous avions autrefois quittés, des
ruines lugubres, pas une fleur, des palissades arrachées, des arbres sans
feuilles, un silence désespéré, plus de chiens aboyants, plus de basses- cours,
une atmosphère de mort. Comme nous arrivions à notre village natal, le cœur
oppressé, nous descendîmes du train et vîmes venir à nous la population. Les
gens paraissaient énormes «Eh bien ! pensais-je, on nous a trompés, ces
gens sont très gras, donc très bien, nourris. », mais, comme ils
s'approchaient, nous nous aperçûmes alors que cet embonpoint était dû à
l'enflure des membres. Ils étaient, en outre, couverts de plaies suppurantes et
dégageaient une odeur effrayante de pourriture ; à la place de vêtements,
ils étaient couverts de guenilles.
...
Je demandai alors s'il y avait une épidémie pour que
tout le monde fût couvert d'abcès et tellement enflé. Chacun redoutait de me
répondre, car on est terriblement espionné, toute délation vérifiée est récompensée
d'un peu de nourriture – et que ne ferait-on pas pour recevoir un morceau de
pain ! – bref, j'appris que, poussé par la faim, afin d'avoir quelque
chose dans l'estomac, on mangeait les feuilles des arbres, on grattait les
troncs pour manger l'écorce, on essayait de faire avec de la sciure et des
mauvaises herbes un agglomérat qu'on mangeait que tout le monde allait mourir
et que pourtant les récoltes étaient belles, mais qu'on ne pouvait y toucher...
J'ouvris alors mes paquets de farine et de harengs, ils se jetèrent dessus,
prenant la nourriture à pleines mains, l'avalant aussi vite que possible. C'était
un spectacle effrayant de voir ces malheureux se gaver de la sorte.
– Arrêtez, leur dis-je, vous allez vous étouffer, vous n'êtes plus habitués
à manger autant à la fois ; faites cuire la farine.
– Non, non, nous voulons manger. Ah ! avoir de la nourriture dans
l'estomac ! Laissez-nous manager. Vous ne savez pas ce que c’est !
Hélas! deux d'entre eux devaient mourir dans la nuit.
Leur estomac n'était plus habitué à digérer.
...
Je me fis conduire alors à quelques verstes du village, chez des amis qui
vivaient encore. Il était tard quand' j'arrivai chez eux et quand la nuit fut venue,
ils me supplièrent de rester chez eux.
– Il est trop dangereux de sortir maintenant, vous risquez d'être
assassinés ; pour manger, il n'est pas de crime que les gens ne commettent.
Je ne pus dormir parce qu'à chaque instant les enfants se réveillaient en
pleurant. « Hliba, hliba, holodni », criaient-ils en pleurant.
Les parents les faisaient taire, mais, deux minutes
après, le chœur recommençait.
...
Témoignage de Martha Stebalo cité dans l’article de Suzanne
Bertillon, L’effroyable détresse des populations de l’Ukraine, Le
Matin, 29 août 1933
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