Ce que dans son "Déjà vu"* du 1 juillet Alexandre Podrabinek dit de l'actualité du terrorisme russe : Piotr Pavlensky et les Primorski Partizany, etc., m'a fait penser aux positions réaffirmées par Mykhaïlo Drahomanov en 1881, à l'occasion de l'assassinat d'Alexandre II.
La différence des
idées sur les moyens d’action n’est pas le seul trait qui nous distingue des
révolutionnaires russes. Dans notre réponse au « Golos », nous l’avons prié de nous exclure non seulement des
rangs du parti « socialiste-révolutionnaire russe », mais de tous les
partis « russes ». Bien que né de parents « sujets de l’empereur
russe », nous ne sommes Russe ni
par notre nationalité, ni par le sol de notre action. Nous ne sommes pas Moscovite, mais Oukraïnien ; et puisque notre nationalité existe non seulement
en Russie (où elle souffre du gouvernement et aussi, en grande partie, de l’intolérance
de l’opinion publique par trop centraliste), mais aussi en Autriche-Hongrie,
nous, dans notre travail pour notre peuple, nous nous appuyons autant sur le
sol qui fait partie de la Russie que sur celui qui est en dehors de l’empire
des tzars. Nous pouvons avoir des points communs avec certains partis « russe »
en tant que notre travail pour notre pays l’exige, mais nous ne pouvons entrer
complétement dans aucun parti « russe ». Du reste, ceux qui lisent
les publications des révolutionnaires russes savent que nos opinions et même
notre personnalité y sont très souvent attaquées, et quelquefois avec la même
ardeur et les mêmes arguments que dans les organes des centralistes moscovites
de l’école conservatrice. Le langage étroitement moscovites des publications
révolutionnaires russes, leur peu d’attention pour les nations de l’empire
autres que la nation russe (moscovite), enfin l’esprit de plus en plus jacobin
et centraliste qui se manifeste dans les tendances des révolutionnaires russes (et
qui est si naturel chez les fils d’un état dont l’histoire est si analogue à
celle de l’ancienne France, et qui avait encore subi l’influence directe du
droit byzantin et du despotisme tartare), tout cela nous oblige à opposer aux
idées des révolutionnaires russes notre critique, qui est celle d’un socialiste-fédéraliste oukraïnien. Nous
leur rappelons, de temps en temps, qu’il y a en Russie, en présence des quarante
millions de Russes, d’autres peuples comptant au moins autant de membres, dont
les intérêts ne peuvent être satisfaits, ni par une convention nationale russe à la française, ni par le Volkstaat centralisé que rêvaient les
socialistes-démocrates allemands pour leur pays, plus homogène et dix fois plus
petit que la Russie d’Europe.
...
...
C’est ici le point
sur lequel doivent réfléchir tous les hommes politiques de l’Europe, et c’est
aussi la raison pour l’intervention de l’Europe dans la crise de la Russie.
Nous avons démontré que la réaction, et surtout les mesures contre le
socialisme, ne peuvent être d’aucune utilité pour l’apaisement de cette crise.
Le retour à l’ancien régime est chose impossible. Il ne reste donc au monde
civilisé qu’un moyen d’action dans les affaires russes, qui sera autant
efficace pour sa propre défense que salutaire à la Russie : c’est de
favoriser autant que possible l’introduction des institutions libérales dans ce
pays.
... nous sommes d’avis
que le gouvernement absolutiste russe soit complétement isolé dans sa lutte
avec ses sujets, quelle que soit la forme revêtue par cette lutte. Nous
partageons bien l’opinion que l’assassinat politique est toujours un
assassinat, et que la vie d’un souverain doit être sacrée autant que celle d’un
simple particulier : aussi c’est pour cela que nous ne prêchons pas l’assassinat
politique. Mais il y a une différence entre prêcher et comprendre, et , - par
conséquent, pardonner. Donc, même les gouvernements du monde civilisé doivent
comprendre les causes qui poussent les sujets du tzar aux attentats politique,
et, partant, refuser toutes les demandes d’extradition de la part du
gouvernement russe. Oui, on a raison quand on dit que l’assassinat politique
est toujours un assassinat ; mais on a raison aussi quand on dit que le
tribunal doit représenter une justice impartiale : or, dans les affaires
politiques, le gouvernement russe est lui-même le juge et le plaignant.
...
Mais si l’action des
gouvernements du monde civilisé dans la crise de Russie doit se limiter à la
non-extradition des criminels politiques russes, quel que soit le crime qu’ils
aient commis contre leur gouvernement, le rôle de l’opinion publique, de la
presse européenne doit être plus actif. Le premier devoir de la presse c’est d’éclairer
le public en lui donnant le résultat des études de l’état des choses dans tous
les pays. Si la presse européenne se donne donc la peine d’étudier l’état de la
Russie, le caractère de son
gouvernement, les tendances de ses classes éclairées et les besoins de ses
populations, etc., elle verra :
1° Que pour la bonne
moitié de ses sujets, pour les Finlandais, les Allemands, les Lettes, les
Lithuaniens, les Polonais, les Blancs-Russiens, les Oukraïniens, les Roumains
de Bessarabie, les peuples du Caucase, etc., le gouvernement du tzar n’est pas
même un gouvernement national, qu’il lèse brutalement les droits et les
sentiments les plus naturels de ces nationalités, et entrave leur
développement.
2° Que le régime
actuel en Russie, est, en général, tout à fait différent de celui de l’Europe
moderne, et n’est que le mélange bizarre des institutions du moyen-âge avec
celles de la période de l’état bureaucratique des XVIIe et XVIIIe siècles, de
ce que les Allemands appellent Polizeistaat.
3° ...
Bonus
En quatrième de couverture, la bibliographie recommandée sur l'Oukraïne :
"Il paraît que les journalistes qui renseignent le gros public de
l'Europe sur la Russie, sont les derniers à lire ces ouvrages."
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* émission de radio Svoboda, USA (en russe)
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