Taras Prokhasko
Halytchyna FM
(fragment)
15.01 [araucaria]
Photo : Dmytro Larine c/o Oukraïnska Pravda Jyttya |
Dans ma maison (en plus de
toute sorte de gens) vit une plante extraordinaire – un araucaria. Si vous
regardez du dehors vous le verrez certainement par la fenêtre. L’araucaria est
plus petit que moi, et cela bien qu’il soit plus que centenaire. Il faut dire
qu’ils poussent très lentement, les araucarias, dans leurs Andes lointaines. Car
les araucarias sont les sapins des Andes. Et ils vivent quelques trois mille
ans. Ils étaient très à la mode dans les demeures européennes au début du
siècle. La Sécession raffolait de telles formes ces formes là.
Et c’est bien vrai qu’il
est beau. Il a des branches comme des pattes, disposées par quatre à chaque
niveau. Il n’aen a jamais plus de trois niveaux, le reste se tasse, se meurs et
finit par disparaître. Et sur le faîte poussent de nouveaux millimètres. Cet
araucaria fut offert à ma grand-mère en remerciement d’une guérison par un patient reconnaissant, encore
dans les années 20. Il n’avait à l’époque pas plus de 40 centimètres de haut,
tout en étant plus âgé que grand-mère, qui, il faut dire, à ce moment n’était
pas encore grand-mère. Relativement à sa durée de vie l’araucaria était un
nourrisson. Au début, la plante ne se rendait compte de rien. Puis elle se fit
attentive à tout ce qui se passait dans notre maison, et tous les évènements
d’importance s’inscrivaient sur ses cernes. Puisque, comme cela a été
démontré, les plantes, et surtout les plantes aussi parfaites, si elles ne
pensent pas, en tout cas comprennent tout, ressentent tout.
Parfois c’est effrayant de
se trouver en sa présence. Car ce n’est pas chose aisée à comprendre – avoir été témoin
d’évènements depuis longtemps passés et pouvoir vivre encore quelques
millénaires ayant survécu à nous tous qui sommes à ses côtés maintenant.
Certainement nous serons pour lui comme une espèce de souvenir d’enfance, réel
en partie et en partie rêvé. Peut-être ne nous remarque-t-il qu’à peine – si
l’on songe à la différence de nos rythmes vitaux. Ce qui est certain est qu’il
ne perçoit pas les évènements particuliers qui nous arrivent – comme un
appareil photo avec une très-très longue exposition ignore les mouvements brusques.
Ainsi les arbres, qui
vivent lentement, ne remarquent pas, ne peuvent pas remarquer l’existence des
papillons saisonniers.
De temps en temps je fais
sa toilette. Et chaque fois en sortant la poubelle je me fais la réflexion que
mon seau est unique : il y a de petites branches d’araucaria à
l’intérieur.
Il y a peu j’ai acheté un
autre petit sapin des Andes. Il doit avoir mon âge. Et je suis certain que cet
araucaria-là, lui au moins, vivra assez pour voir les jours meilleurs.
літератюр юкреньєн ан франсе littérature ukrainienne en français
And the English translation by Mark Andryczyk
15.01
Living
in my home (in addition to various people) is an extraordinary plant — an
araucaria. If you look through the window from the street, you can see it. The
araucaria is still shorter than me, although it’s over a hundred years old.
They
grow very slowly, these araucaria, in their Andes. For araucaria are Andes evergreens.
And they live some three thousand years. They were rather fashionable in
European dwellings at the beginning of the century. The Secession style adored
ornaments such as these. And truth be told, it really is beautiful. It has paw‐like
branches, four on each level. It usually does not contain more than three
levels. The rest gradual shift, die off and are moved out of the way. And fresh
millimeters begin to grow on the top. This araucaria was given to my grandma as
a gift in return for some sort of successful medical treatment back in the 20s.
At that time, it was no taller than 40 cm, although it was older than my grandma,
who, actually, was not yet a grandma. Based on its life span, the araucaria was
an infant. At first, the plant did not notice anything. Later, it became
increasingly nosy of everything that went on in the house and all our experiences
came to be preserved in its tree rings. Because it’s been proven that plants ― especially
such perfect ones ― although, perhaps, not fully capable of thought, at the
very least, understand, sense and remember everything.
Sometimes
it’s scary to be in its presence. Because it’s not so easy to have witnessed
past events and then live on for a few more thousand years, having outlived us
all, everyone close to it now. For it, we, probably, are like some kind of half‐real,
half‐imagined
childhood memory. Perhaps, it barely notices us — if one
takes the difference in our life spans into consideration. Surely, it’s not
able to comprehend individual episodes that take place with us as they happen —
in the same way that a camera with an unbelievably long shutter speed does not
fixate something that has moved somewhere.
In
that way, trees that live slowly don’t notice, cannot notice, the existence of
seasonal butterflies.
And
I bathe it every now and then. And every time I take out the trash, I see that
my trash bin is unique because it contains araucaria branches.
Not
long ago I purchased another little evergreen from the Andes. Perhaps it’s as
old as I am. I’m convinced that this araucaria, at least, will survive to see better
years.
From : Taras Prokhasko FM Galicia Translated by Mark Andryczyk
CONTEMPORARY
UKRAINIAN LITERATURE SERIES, 2010, WASHINGTON.
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