Rencontres
franco-oukraïniennes au fil des siècles
Seconde
partie : Au fil des pages arrachées
Тотчас после
заседания, в буфете театра Chatêlet, куда
повели меня русские знакомые для представления Тургеневу некоторые из русских
литераторов заметили ему, что он слишком уже много авансов дал французам. –
"Да ведь они другого языка не понимают, – оправдывался Тургенев, – и
никаких иностранных литератур не ценят и не знают" – тут же расказал
анекдот о том, как В. Гюго в разговоре с ним смешал драмы Шиллера и Гете.
Mykhaïlo Drahomanov
Воспомининия о знакомстве с И. Тургенев
Au buffet du Congrès littéraire de Paris, 1878
Mykhaïlo Drahomanov
Воспомининия о знакомстве с И. Тургенев
Au buffet du Congrès littéraire de Paris, 1878
La littérature oukraïnienne. Le nom est bizarre ; l’auteur,
homme très distingué, a préféré ce nom à celui beaucoup plus connu de
littérature petite russienne.
Ivan Tourguénieff
A la tribune du Congrès littéraire de Paris, 1878
Ivan Tourguénieff
A la tribune du Congrès littéraire de Paris, 1878
Pourquoi discutez-vous avec moi ? Discutez avec
le Petit Robert.
Simone Signoret
Polémique autour de "Adieu Volodia".
Simone Signoret
Polémique autour de "Adieu Volodia".
Dès que j’ai eu l’honneur de lui être présenté,
disais-je, je racontais à Maria Matios l’anecdote du mutisme oukraïno-hugolien.
Mme Matios arrivait a-phone, sans voix, pour tout dire muette au Festival des
Littératures Européennes de Cognac en ce novembre indigo 2012.
Le
millésime de cette année avait pour devise...
Mais au fait, quelle était sa devise ? Si l’on avait
traduit aux Français les relations enthousiastes de la presse oukraïnienne, ils
auraient appris que « Le temps de l’Oukraïne était enfin venu ». Les
Cognaçaises et les Cognaçais étaient persuadés qu’il s’agissait d’une Oukraïne
enfin up-to-date, d’une « Ukraine à la page » so to speak.
La Séance d’ouverture du Festival... pardon, l’Inauguration... Confus.
C’est 'à cause du jet-lag'. De la vitesse du temps qui passe. Défilement kaléidoscopique, avec peut-être une touche d'abracadabrantesque, en tout cas bleu-blanc-rouge de tous ces Congrès universaux et néanmoins très-parisien, Quatorze juillet tzaro, Papeterie - Livres - Journaux, Euro festivaux... j’en perds mon latin :
C’est 'à cause du jet-lag'. De la vitesse du temps qui passe. Défilement kaléidoscopique, avec peut-être une touche d'abracadabrantesque, en tout cas bleu-blanc-rouge de tous ces Congrès universaux et néanmoins très-parisien, Quatorze juillet tzaro, Papeterie - Livres - Journaux, Euro festivaux... j’en perds mon latin :
אין לי, אין לי רגע דל, או סקנדל
או פסטיבל
L’Inauguration du Festival avait malheureusement elle-aussi un intitulé :
« L’Ukraine,
cette inconnue. »
Bien sûr vous ne voyez pas ce qui me chagrine.
N’est-elle pas inconnue, l’Oukraïne en France ? Que oui ! Seulement voilà : « L’Ukraine,
cette inconnue » était déjà le titre de la préface d’Emmanuel Raïs à
l’anthologie des jeunes auteurs oukraïniens des années soixante, publiée à
Paris en 1967. Il y a bientôt un demi-siècle.
1911. Il y a un peu plus d’un siècle, quinze ans après
le poème en prose de l’Oukraïnienne, en 1911, dans la brève note
d’introduction au récit de Mykhaïlo Iatskiv publié à Paris dans la « revue
mensuelle pour tous » « Les mille nouvelles nouvelles », Mykhaïlo
Roudnytsky avait eu cette formule :
« La littérature ukrainienne gagnerait à n’être connue que des seuls slavisants ».
« La littérature ukrainienne gagnerait à n’être connue que des seuls slavisants ».
1921. Exactement dix ans plus tard, M.A. Meillet, dans
l’Avant-propos à l’ « Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu’au milieu
du XIX s. » (Editée à Paris par l’Institut Sociologique Ukrainien), constatait
: «La littérature ukrainienne est encore fort peu connue du public européen.»
1931. Encore dix ans plus tard, le député de la Seine
Emmanuel Evain : « On peut affirmer que la France, jusqu’à la fin du second
empire, connaissait l’existence du problème ukrainien.» Jusqu’à la fin du
second empire donc et puis... ce fut le 'mutisme hugolien' et la France
devenue RFrançaise cessa de 'connaitre l’existence du problème oukraïnien'. Da
liegt der Hund begraben !
Le préfacier de ce livre, Edouard Soulier, a ces mots
: « M. Emmanuel Evain se plaint que le sort des Ukrainiens en 1917-1920 ait,
apparemment, trouvé une opinion française ignorante et indifférente : « Nous
ne savions pas... On les ignorait à peu près complètement... L’opinion
française ne s’attendait guère aux événements. »» Même constat fait par la
revue« Prométhée » en 1927 : « Qui ne se souvient de l'ignorance que
manifesta l'Europe envers l'Ukraine au moment de son indépendance ? Bien peu la
connaissaient alors.» Ou une trentaine d’années plus tard par Alain
Desroches : «...rares étaient les Français, au début de ce siècle, qui
savaient les souffrances des peuples baltes et de ceux du Caucase. Plus rares
encore étaient ceux de nos compatriotes qui connaissaient le traitement
inhumain infligé par le régime tsariste au grand peuple ukrainien... »
1961. Trente ans plus tard, en 1961 donc, G.
Alexinsky, le traducteur du roman « Le jardin de Gethsémani », écrivait dans la
préface : « La littérature ukrainienne est presque inconnue en France et, pour
le lecteur français, le roman de Bagriany, qui en est une manifestation
importante, présente un intérêt de nouveauté et de révélation.» André Billy
reprendra la formule pour intituler sa chronique du 13 mai 1961 au Figaro
Littéraire : « Une littérature inconnue en France ».
1967. Six ans plus tard, je l’ai dit, paraissait
l’anthologie « La nouvelle vague littéraire en Ukraine ». Avec
l’excellente préface d’Emmanuel Raïs, qui fut un grand amateur de littérature et
un grand ami du peuple oukraïnien. De très bonnes raisons pour être doublement
attentif, d'ouvrir grand les deux oreilles :
« Le but proprement dit de ces quelques pages, est
précisément d’attirer l’attention du lecteur français sur l’existence d’un
peuple vaillant, doué d’une forte personnalité créatrice, digne d’un sort
meilleur et d’une meilleure connaissance à l’étranger.
« La manifestation peut-être la plus remarquable de la
culture ukrainienne est sa littérature et surtout sa poésie.
« Nous espérons, si nous réussissons à capter
l’attention bienveillante du lecteur français, lui permettre de faire la
découverte des principaux représentants de cette littérature (sauf Chevtchenko
qui, à l’occasion de son récent centenaire, avait bénéficié de quelques
publications, d’ailleurs insuffisantes, aussi bien quant à la quantité qu’à la
qualité), tels Franko, Stefanyk, Larissa Kossatch, Dovjenko, Ianovsky (dont
l’un des romans a été publié aux éditions Gallimard, mais traduit d’après une
traduction russe), Katchourovsky, ainsi que les plus importants des poètes,
tels Tytchyna, Rylsky, Klen, Malaniouk, Antonytch, Oljytch, ou Andievska, sans
parler de beaucoup d’autres, dont l’héritage, en raison de la rigueur des
temps, est parfois plus réduit, mais souvent, encore plus remarquable, tels
Svidzinsky, Ploujnyk, Zerov ou Khvylovy.
« Certes, ces noms, pourtant très remarquables, ne
disent rien au lecteur occidental, à l’exception peut-être de celui de
Dovjenko, cinéaste de réputation mondiale. »
Exactement 40 ans plus tard : Dovjenko comme Paradjanov appartiennent à la "nationalité"
des cinéastes qui comme on le sait, deviennent "apatride" dans la
finalité plus universelle du cinéma ! Que vous en faites après une lecture a postériori purement nationaliste
et hagiographique me semble une contre-vérité historique dans la justification
d'intérêts imbéciles comme tous les nationalismes. Kristian Feigelson (Univ
Paris III), 2006
« La première chose à faire, c’est de rompre l’épais mur
d’ignorance qui entoure l’Ukraine et son peuple. » E. Raïs
L’Ukraine,
telle qu'elle était inconnue au décembre 1966.
Est-il
besoin de préciser que cette anthologie fut la seule de la série ?
Epais mur d’ignorance. Murmures hugoliens.
1971. Marie Scherrer, se souvient une de ses élèves, «
cette Française qu’avait « trouvé » le professeur Ilko Borchtchak, le fondateur
du département des études oukraïniennes à l’INALCO, me proposa alors : « Et
pourquoi ne feriez-vous pas votre diplôme à la Sorbonne ? Puisqu’ils ne savent
même pas que la littérature oukraïnienne existe, et font de gros yeux lorsque
je leur dis : « Aussi extraordinaire que cela puisse vous paraître j’enseigne
cette "littérature inconnue" ! »
En 1980, Jean Pierre Faye préfaçant la toute petite
plaquette du très grand Ihor Kalynets : « Ces brefs écrits d’errance font parler
la parole étouffée des prisonniers et des déportés et la langue même d’un
peuple entier, insuffisamment connue en France, celle de l’Ukraine.» L’année
suivante, Piotr Rawicz : « Mais l’Ukraine... cela paraît si loin ! Sous nos
cieux occidentaux provisoirement paisibles qui donc, à part les émigrés et les
géographes, a la moindre idée de cette contrée pourtant comparable en
superficie et en population à la France ?»
1981. Le Prince jaune. Gallimard. Vassyl Barka est l'un
des premiers à tenter une réponse littéraire au Holodomor : avec le Paradis
(1953), le Prince Jaune (1963) et finalement avec son œuvre maîtresse,
le Témoin (1981).
L’éditeur français fut confronté à une difficulté
inattendue : il s’agissait de traduire de l’oukraïnien (s’il l’avait su, se
souvenant des embêtements avec le recueil de Kotsyoubynsky – projet inabouti, miettes
à la Piuf puis à l’Age d’Homme – ne l’aurait-il pas refusé
d’emblée ?). Piotr Rawicz avait oublié de préciser qu’il ne s’agissait pas d’un
« roman russe ». Il le préfacera. « Surtout ne nous prenez pas pour des Russes,
on a horreur de ça ! » — clament à peu près toutes les publications des émigrés
ukrainiens, et, si cette insistance peut parfois paraître lassante, il convient
d’explorer les sources de la confusion, d’analyser les raisons de cette fausse
identification, de ce malentendu qui a le don de faire sortir de leurs gonds
les patriotes ukrainiens.»
Malentendu
ou mal entendement ?
« L’action se passe en Pologne c’est-à-dire Nulle-Part
» — a pu dire Alfred Jarry. A ce compte-là, l’Ukraine serait le nulle-part de
nulle-part, une province russe quelconque perdue dans l’immensité de
l’Empire...
« Lors de la projection à Paris, il y a une bonne dizaine d’années, du très beau film Les chevaux de feu (d’après la nouvelle de Mykhaïlo Kotsioubynsky Les ombres des aïeux oubliés) n’a-t-on pas parlé dans la presse d’un film« russe » alors que les acteurs s’entretenaient en un ukrainien savoureux aussi éloigné du russe que l’italien l’est du français?...
Vous vous souvenez — un quart de siècle plus tard — de l'arrogant babil de l’Université
française :
« Gageons
qu’à peine un promeneur sur mille — flânant à Saint-Germain-des-Prés — sait que
le petit square Tarass Chewtchenko s’appelle ainsi en l’honneur du chantre
incomparable de la misère des manants et de la gloire cosaque, d’un poète
révolté qui plus qu’aucun autre fut le « catalyseur » de la conscience
nationale de tout un peuple : les Ukrainiens.»
1991. Cinq ans après cette évocation de Taras
Chevtchenko à Paris et du Père Ubu en Oukraïne, l’explosion de la centrale
nucléaire de Tchornobyl signait l’arrêt de mort de l’Union soviétique. Et puis
ce fut enfin l’indépendance tant attendue, inespérée. Ou plutôt le contraire :
tant espérée, inattendue.
En 1993, naïf, j’écrivais qu’il était désormais anachronique
de transcrire les noms oukraïniens à partir de leur version russe, reprenant
cette évidence à l’Anthologie du début du siècle de Hrouchevsky, et donnais,
dans la « Note du traducteur » au recueil de Mykola Khvylovy, un « lexique
ukrainien-russe », « pour les nostalgiques » :« ...Khvylovy/Khvylievoï,
Kyïv/Kiev, Lviv/Lvov, Tchornobyl/Tchernobyl... » La seule critique que l’ouvrage
avait suscité (Panorama de France Culture du 23.04.1993) disait : combien même
« nationaliste ukrainien », « un auteur peu connu et qui mérite de
l’être d’avantage ».
1995. Deux ans plus tard, quatre ans après
l’indépendance, en 1995, dans son Manuel de langue et civilisation
ukrainiennes, Victor Koptilov, constatait : « La culture ukrainienne en
général et la littérature en particulier restent inconnues du public français.»
Trois ans plus tard, sept ans après l’indépendance,
l’auteur du Que sais-je consacré à l’Oukraïne, Olivier de Laroussilhe
faisait étrangement écho à Emmanuel Evain, Olexandr Choulguine, Alain
Desroches, en écrivant : « Que sait-on de l’Ukraine ? Grenier à blé de la
Russie... ou de l’Europe, souvent guère plus. Cette nation longtemps dépourvue
d’État national reste méconnue, notamment en France, où l’approche
traditionnelle demeure centrée sur la Russie. Et on pouvait jusqu’en 1991
passer pour un soviétologue acceptable sans avoir beaucoup entendu parler de
l’Ukraine.»
L’année où paraissait ce Que sais-je, il m’a
été donné d’entendre le discours que le Président de la République française
fit à l’Université de la capitale oukraïnienne, ma ville natale. Pas depuis le
début, M. Vedrine ayant brusquement eu envie d’une tasse de café, nous avons
été en retard. Mais j’ai pu entendre M. Chirac dire (j’ai noté ces paroles si
enthousiasmantes) :« Je suis heureux que les Journées de l’Ukraine
qui auront lieu en France l’an prochain permettront aux Français de mieux
mesurer l’extraordinaire richesse de votre culture et ce dans tous les domaines
artistiques. »
1999. «C'est dans un souci d'apporter un regard neuf
sur un pays trop méconnu que les ministères français de la culture et de la
communication (DAI) et des Affaires Étrangères (AFAA), avec la collaboration de
l'ambassade d'Ukraine en France ont souhaité organiser cette saison
Ukrainienne.»
1999.
« Regards sur la culture ukrainienne »
Un exemple pour illustrer le prisme particulier de ces
"Regards". L'Editorial du n° 61 de la revue Diagonales Est-Ouest
portant le titre ambitieux de «Interrogations ukrainiennes».
« Quant à la littérature c’est encore une « terra
incognita ». Il apparaît clairement que l’aventure n’a pas tenté les éditeurs
français. Depuis 10 ans aucun d’entre eux ne s’est arrêté sur un titre ou sur
un auteur. Cela pose question : comment la France peux rester privée de ces
témoins et vigies que représentent les écrivains ? L’amorce d’une explication
pourrait résider dans le problème de la langue. La langue ukrainienne dans sa
souveraineté et sa légitimité en est à ses débuts, c’est en russe que les
auteurs les plus éminents originaires d’Ukraine (Gogol) se sont exprimés, c’est
à Saint Pétersbourg et à Moscou qu’ils allaient trouver la considération et un vrai
lectorat.»
Programme des "Regards..." : Alexandra Extel... Mykhola Khvyliovyï... |
Le recueil de Khvylovy est paru l’année du centenaire
de sa naissance, 60 ans après son suicide, en 1993. Le recueil de Kalynets dans
la traduction de Baboval en 1996.
Programme des "Regards..." : Yevguen Khvyliovyï... |
MM. Bruno Guichard et René Martin l’ignorent, comme du reste ils ignorent tous les autres auteurs dont les traductions en français ont
été mentionnées plus haut (et les autres). En fait le seul écrivain ayant un
rapport à l’Oukraïne dont ils se souviennent est Gogol. Et Gogol écrivait en russe… DONC... la langue oukraïnienne en est à
ses débuts. On la refait, c’est trop bon : la langue oukraïnienne
en est à ses débuts (à la fin du XX siècle) PARCE QUE (au XIX siècle) Gogol
écrivait en russe.
Programme des "Regards..." : Lessia Oukraïnka, Oless Franko et Stefanyk... |
C’est en réaction à ces « Regards » « neufs » que fut créé le Comité Mazepa 99 (et incidemment la Librairie Oukraïnienne Ephémère proposant les dix titres que constituait alors l’intégralité des ouvrages des belles lettres oukraïniennes disponibles en traduction française – M. Samuelian avait eu la gentillesse de libérer une demi-étagère dans sa librairie, en entrant sur la droite).
C’est en réaction à ces « Regards » « neufs » que fut créé le Comité Mazepa 99 (et incidemment la Librairie Oukraïnienne Ephémère proposant les dix titres que constituait alors l’intégralité des ouvrages des belles lettres oukraïniennes disponibles en traduction française – M. Samuelian avait eu la gentillesse de libérer une demi-étagère dans sa librairie, en entrant sur la droite).
1999. «Regards [méprisants] sur
la culture ukrainienne».
2012. A l’occasion du Festival des
Littératures Européennes de Cognac est parue une anthologie de petite prose
oukraïnienne contemporaine : Zaboujko, Matios, Androukhovytch, Jadan, plus une
version vandalisée de ma traduction de « C’est ainsi » de Prokhasko.
Plus Kourkov ("KourHov"). L’Avant-propos est de la plume de Pierre Astier. Ecoutez bien : «
La littérature, c’est avant tout une ou des langues. La langue officielle de
l’Ukraine est l’ukrainien, mais la plupart des Ukrainiens parlent aussi le
russe couramment du fait que l’Ukraine a été pendant plus de trois cents ans
sous le joug de l’Empire russe, puis de l’URSS, subissant les répressions
totalitaires et surtout la terrible famine, baptisée Holodomor. Cette longue
domination pose également la question de choix de la langue d’expression. Quel
aurait été le destin de Nicolas Gogol, fils d’une Ukraine qu’il décrit avec un
peu de nostalgie dans Taras Boulba ou dans ses drôlatiques Soirées
du hameau, s’il avait continué à écrire en ukrainien ? »
En 2012 M. Astier nous invite à son tour à danser le «
Gogol donc »...
Ah, mais il a entendu parler de Chevtchenko (pas lu –
entendu parler, vous allez voir). Je reprends la citation : « L’immense
Taras Chevtchenko, le grand poète romantique et le tribun populaire du XIXe
siècle, aurait-il eu une place plus importante dans la littérature universelle,
s’il avait abandonné l’ukrainien pour le russe ? Et plus près de nous, le
fantasque Mikhaïl Boulgakov ? Mais l’histoire ne connaît pas de conditionnel. »L’histoire
ne connaît pas de conditionnel, comme M. Pierre Astier ne connaît pas la
littérature oukraïnienne. Pas même dans ses grandes lignes.
Jabo,
Maya
* * *
Cette miraculeuse capacité de l’Oukraïne à rester
inconnue en France me fait songer à ma voisine Lisa. Une vieille dame
charmante, un peu dur d’oreille, obligée depuis des années à se déplacer dans
un fauteuil roulant. Je la salue chaque fois que je les croise, elle et sa
nurse moldave, et chaque fois poliment elle me rend mon salut. Pour, quelques
instants plus tard, crier « KTO ETO ? » (qui est-ce) à sa nurse, qui chaque
fois lui répète que c’est le voisin, Lisa, vous vous souvenez ? Mais la vieille
dame ne se souvient pas : elle est amnésique.
Envoi
... peut-on imaginer« rompre l’épais mur
d’ignorance qui entoure l’Ukraine et son peuple » sans constater au
préalable l’existence de ce mur ? N’est-ce pas la condition nécessaire pour en
rechercher et pour en combattre les causes ?
... convient-il de laisser faire lorsque les petits
maçons de ce bel ouvrage d’ignorance épaisse se chargent de présenter
l’Oukraïne en France, les Guillevic, les de Lumley, les Martin-Guichard, les Sokoloff, les
Prune, les Feigelson, les WiltzAstier... ?
Je ne pense pas que 'l’ordre du jour des relations
franco-oukraïniennes' soit au silence poli de l’élève attardée, pardon
rattrapant son retard, de l’Oukraïnienne enfin à la page.
Oles
Pliouchtch, 22 mars 2013
Bilan des relations franco-oukraïniennes au XXe : un siècle d'amnésie française.
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