mardi 4 septembre 2018

Sentsov, 114ème jour de la grève de la faim

[The time is running out]
114 днів як увімкнув зворотній відлік своєї пекельної машини "терорист" Олег Сенцов.

"Ми просто йшли, у нас нема зерна неправди за собою."


Notez comment, sans que l'on y prenne garde, l'accent dans l'affaire de Oleg Sentsov a été déplacé. Tous maintenant discutent de sa possible grâce, mais avait-il demandé au début de sa grève de la faim sa propre libération ? Non. Souvenons-nous de ce qu'il disait exactement dans sa déclaration de mai :  
"Moi, Sentsov Oleg, citoyen oukraïnien, illégalement condamné par la justice russe, et me trouvant dans la colonie pénitentiaire de Labytnangui, déclare commencer en ce jour, 14 mai 2018, une grève de la faim illimitée. L'unique condition pour la faire cesser est la libération de tous les prisonniers politiques oukraïniens détenus sur le territoire de la Fédération de Russie. Ensemble et jusqu'au bout ! Gloire à l'Oukraïne !"

Ni à l'époque, ni maintenant, ayant entamé le quatrième mois de la grève de la faim, il ne pose la question de sa propre libération. Il mène son action pour tous les Oukraïniens s'étant retrouvés après le début du conflit pour raisons politiques dans les camps russes. Lui même n'est qu'un parmi des dizaines et peut-être des centaines de gens arrêtés et jugés dans notre pays [l'auteur est russe. N. de T.], mais nous faisons comme si nous l'avions oublié, et ne nous préoccupons que du destin de Sentsov. Bien sûr cela peut s'expliquer, nombreux sont ceux qui éprouvent une compassion sincère, qui voudraient prévenir la tragédie, qui jour après jour devient de plus en plus réelle.
Lorsque le Kremlin promet aux Occidentaux de gracier Sentsov si celui-ci fait une demande de grâce personnelle, cela fait parti du Grand Mensonge, puisque jamais Sentsov n'a demandé, ni ne demande aujourd'hui, à être libéré. Il ne pose pas la question de cette façon, le pouvoir [russe] si. Il lui est bien plus profitable et plus facile de jeter dehors un rebelle en présentant ce geste comme une preuve de miséricorde, plutôt que de satisfaire sa revendication et libérer tous les otages.
Essayons, au moins nous, de ne pas oublier ce pour quoi se bat Oleg Sentsov. "Ensemble et jusqu'au bout !"                              Vladimir Varfolomeev, 15.08.18
Les petites mains du Grand Mensonge
Et maintenant, exercice pratique.
Pourquoi Oleg Sentsov est-il en grève de la faim ?
A écouter Mathilde Serrell.... pour rien.



Le Billet culturel par Mathilde Serrell
 
Politique, médiatique, artistique, autour du cas du cinéaste ukrainien dissident [sic!] se livre aussi une bataille de la perception.
« Fake news : pour France 2, Oleg Sentsov casse des cailloux quelque part dans un Cayenne russe», c’est ainsi que RT la chaîne d’information russe a présenté une confusion de la télévision publique française, il y a quelques jours, à propos de la détention du dissident [sic!] Oleg Sentsov. 
Pour mémoire Oleg Sentsov est un cinéaste ukrainien, partisan du mouvement pro-européen Euromaïdan.  Originaire de Crimée il s’est engagé contre l’annexion de ce territoire par la Russie. A l’issu d’un procès qualifié de « farce judiciaire » par  Amnesty international, il a été condamné, en 2014, à 20 ans de prison dans une colonie pénitentiaire en Sibérie.  
« 20 ans de travaux forcés » c’est l’erreur de formulation commise par France 2, à  qui RT reproche également d'avoir parlé de Goulag. Or à un aucun  moment le terme n’a été utilisé par la chaîne. Résumé de l’opération : renverser la question des fausses nouvelles en accusant un média français de « fake news » tout en balançant une fausse information. 
Dans cette agitation se glisse quelque part l’idée que les médias français exagèreraient la gravité du cas d’Oleg Sentstov, ou que sa détention respecterait les règles de droits. C’est un jeu sur la perception. Tandis que depuis des mois, des années même pour certains cinéastes comme Pedro Almodovar, le réseau artistique international se mobilise pour la libération d’Oleg Sentsov qui entame aujourd’hui son 110ème jour de grève de la faim.  
Au vrai, comme le résume l’écrivain et Prix Goncourt Jonathan Littell : "Oleg Sentsov oblige le monde à se confronter à la nature tortionnaire du pouvoir russe".
La militante membre des Pussy Riot Nadezhda Tolokonnikova, détenue pendant près de deux ans dans une colonie pénitentiaire, avait d’ailleurs raconté dans une lettre comment elle était obligée de travailler de 7h30 du matin à minuit et demi dans une «brigade de couture» pour un "salaire" situé entre 50 centimes et 10 euros par mois. 
Quant à Oleg Sentsov - dont le  seul tort comme d’autres prisonniers politiques est d’avoir exprimé sa  liberté de création et d’opinion - sa situation enfreint bien les règles de droit. Rappelons qu’en droit international, la Crimée constitue un territoire occupé et, en tant que puissance occupante, la Russie est tenue de ne pas transférer de prisonniers civils hors du territoire. Par ailleurs le  jugement de civils par des tribunaux militaires, ce qui a été son cas, viole également les normes internationales relatives aux droits humains.   
Concernant sa santé, le professeur Pierre Déchelotte, spécialiste des troubles alimentaires et de la dénutrition, assure qu’après 110 jours de grève de la faim, même avec le substitut alimentaire qui lui est administré, Oleg Sentsov ne peut continuer à vivre que quelques  jours. Une infection par les cathéters de la perfusion, un coup de froid  (il fait 3°C le matin dans sa prison de Labytnangui) de stress (il a été privé de sa correspondance) et Oleg Sentsov peut mourir d’une minute à l’autre. 
Voici donc les faits que nul ne peut ignorer. 
Mais pour l’instant, en dépit de toutes les pétitions et tribunes des plus grands artistes et intellectuels internationaux, malgré l’intervention de dirigeants  occidentaux comme le président Emmanuel Macron, la mort d’Oleg Sentsov  semble avoir un coût politique suffisamment faible pour que Vladimir Poutine en prenne le risque. Pour qui défend la liberté, il faut absolument trouver le moyen de renverser cette perception. 





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