mercredi 6 janvier 2021

Patricia Kilina, Le Vent

Патриція Килина
Patricia Kilina

Vent

 

En una noche oscura                       

Con ansias en amores inflamada,        

¡ oh dichosa ventura !,             

Soli sin ser notada,            

Estado ya micasa so segada.  

 

Parfois la nuit lorsqu'il vente,

je m'éveille et j’écoute le souffle du vent.

Alors de me lever me prend une envie si intense,

vite m’habiller et m'en aller dans la nuit.

 

Je marcherais alors sous les tonnerres des arbres,

A travers champ qui hurle comme l'océan grondant

(sans la moindre frayeur de me noyer dans les herbes),

sur la route pénombreuse, la chevelure au vent.

 

Plus effrayant qu’un fantôme je hanterais ces bois,

plus féroce qu’un ange dans ces champs énormes,

cependant que le vent, comme un prophète mort, me parlera

d’Histoire, ou comme un avorton, me parlera d’Amour.

 

Hélas, comme je suis une grande paresseuse,

je ne quitte pas le lit, semblable au fantôme grabataire,

à l'ange invalide auquel il manque une aile.

Et toujours allongée, je songe, le cœur en peine

(comme si mon cœur s'était fait herbes sèches)

à ces choses qui tendrement me hantent,

à ces choses qui me brûlent comme une flamme.

 

Il est des cyprès coupant comme des lames,

il est des routes qui réclament des voyages sans fin,

il est des églises, toutes d’or, qui peu-à-peu  s’écroulent,

il est des lieux de clarté que l’horizon avale.

 

Et le vent souffle, et souffle, et souffle, et souffle

et hurle dans les bois comme un sombre incendie,

il met le feu aux champs qui ne se consument,

et le son de ce vent qui me brûle au front.

 

Il faudra bien un jour que je me dise :

" Lève-toi, idiote ! Lève-toi et va-t-en dans le monde !"

Pour ne jamais revenir dans cette alcôve cosy,

alors enfin mon seul désir sera de m’enfoncer au plus profond de la nuit profonde,

et d'y souffler un vent si sombre... et d’y souffler un vent qui ébloui.

trd.fr. O.M.

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