samedi 27 juin 2020

Maria Revakovytch, "Dans le havresac du voyageur"

Maria Revakovytch
Maria Rewakowicz
Марія Ревакович

Précédent quelques poésies de chacun des six membres du Groupe de New York, ceux du premier cercle. Il n’est sans doute pas inutile de présenter aussi ceux du second cercle. "Le second cercle – cinq poètes – et les deux ensemble [avec le premier] qui font douze" pour citer Youry Tarnavsky


Nommément : Youry Kolomyiets, Oleh Koverko, Marko Tsarynnyk, Roman Baboval, Maria Revakovytch.  

Maria Revakovytch 
tiré du recueil "Dans le havresac du voyageur",
Editions du Groupe de New York, New York, 1987

La mère brodait
un destin
en point de croix
à son enfant.
Il en est resté
un désir dentelle
couleur bleu du ciel
et celle de la feuille d’automne

* * *


mystère
du sac usagé
et de la plantes des pieds usés
mystère
de la route
                       qu’est-ce qui toujours nous pousse à partir
                       qui donne la force ?
les gens sont des grains
étreints
par un vent ivre.

* * *

un silence
fané
autour
de nous
                              et rien ne donnera de réponse
                              ni la blancheur de la feuille
                              ni de la terre l’attouchement


* * *

les années
s’écoulent en expérience acquise
dans le puits
de l’autre côté
de la route

les passants
portent leur grande soif
sur leurs épaules
pour la noyer
dans l’eau du puits

* * *

chacun porte
dans ses mains –
un quelconque bagage
moi –
un sac percé
par le fond duquel
s’écoulent
des vers

* * *

je cherche un ami
                       non pour
                       bonjour
                       bonsoir

je cherche un ami
                       non pour
                       se sourire
                       avec des mots sans importance

je cherche un ami

* * *

et de nouveau
une goutte printanière
arrose l’amour
et seul l'obtus
tic-tac
de l’horloge
mesure
les printemps
et nous

* * *

les amoureux n’ont pas besoin d'aller chez une voyante
le cœur est un prophète
mais...
il va plutôt prédire la ruine de Jérusalem
que la venue du Messie

* * *

rafistolé les espoirs
du ruban
d’un sourire imperceptible  
Ô Leonardo !
tu continues à faire
des Mona Lisa
et c’est toujours les mêmes
sourires figés
depuis
les cadres de pacotille

* * *

les allumettes des immeubles
enflammèrent l’horizon
et s’éteignirent
alors la lune a éclaté de rire
avec l'incandescence elle alluma sa cigarette
puis fit un petit nuage
de fumée bleutée
elle a troublé les cieux
renversa le grand pot d’encre
puis s’en alla dormir

* * *

je grimpe
vers le bonheur
par l’escalier vermoulu
les planches dessous
joue une musique avant-gardiste
et moi, j’ai peur
que la plus petite fausse note
y fasse un trou
et je tomberais
avant même
d’atteindre la porte
                             et si...
                             la porte
                             est ouverte
                             par le malheur, la vieille servante,
                             qui, éméchée, me dira
                             que le bonheur est parti déjeuner
                             et
                             qu’on ne sait
                             quand est-ce qu'il reviendra



Diptyque

1
mon palmier
se meurt
comme si je
lui suçais
ses sucs
mais pourquoi alors
mes mains
ne deviennent-elles pas vertes ?

2
des vers
à la base de son tronc
comme si c’étaient là
mes cellules malignes
et finalement je ne sais plus si je dois –
sauver le palmier
ou me sauver moi-même



Deux "si"

1
j’ai été dispersé
aux quatre coins du monde
maintenant
je me ramasse
comme on ramasse des champignons
dans la forêt
sans savoir
s’ils sont comestibles
ou vénéneux

2
la solitude
a décidé
de me bâtir une maison
et je ne sais ce qui est mieux
d’être sans-abri
ou d’avoir une maison
sans portes ni fenêtres

* * *

les nuits d’insomnie
ont cela de bon
que lorsque le sommeil me manque
me vient voir –
une poésie
elle s’assied sur mes genoux
et me demande
de lui chanter une berceuse

* * *

je fais pousser un soleil
en catimini
au potager de tes caresses
qui font couler les sucs colorés
                                        l’or de tes pensées
                                        le carmin de tes lèvres
                                        la blancheur de tes mains
et si tu regardes la récolte
tu verras aussi le jardinier

* * *

Demain
a refusé
de nous entendre.
Aujourd’hui
a déployé l’échiquier
des jours et des nuits
et nous fait échec et mat.
Essoufflés
vous allons
vers hier.

comme on aimerai
enlever les manteaux des âmes
et de suspendre quelque part les corps...
dans l’armoire profonde et sans miroir
de ne laisser
que les yeux
incrustés dans le futur
et le regard
qui demeure dans l’amour






trd.fr. O.M.

https://olespliouchtch.blogspot.com/2020/03/an-aquarium-in-sea-oleksandr-fraze.html

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