lundi 16 novembre 2015

L’Occident, l’État Islamique et Poutine, Andrey Piontkovsky 15.11.15



Le Président français a annoncé que la France était en état de guerre. De telles paroles doivent être suivies de décisions graves.  L’agresseur est connu, il s’agit de DAECH, un quasi-état criminel qui contrôle un certain territoire (des fragments de la Syrie et de l'Irak). La France et ses alliés de l’OTAN doivent répondre au  défi lancé non seulement à la France, mais à toute la civilisation occidentale, ils doivent aller sur le territoire contrôlé par DAECH, détruire ses infrastructures, liquider au cours des opérations militaires ou capturer et juger ses dirigeants et tous ceux qui se sont rendus coupables de crimes contre l’humanité.


Cette décision est difficile à prendre. Des militaires occidentaux périront certainement, surtout lors des opérations au sol. Il y aura inévitablement des "dommages collatéraux", il y aura des victimes civiles. D’autres attentats auront probablement lieu. Le problème de la terreur islamique ne disparaîtra pas avec la liquidation de DAECH. L'idée exaltante  de la destruction physique de la civilisation occidentale "décadente et sans-dieu" inspirera sûrement d’autres fanatiques. Tout cela est vrai.


Mais si l’Occident ne répond pas à ce défi lancé par l’État Islamique, il cessera définitivement, malgré toute sa puissance économique et militaire, d’être un sujet de politique internationale et d’autres décideront de son sort.


Examinons maintenant la position de la Russie de Poutine. Sans même avoir eu la décence d'attendre quelques heures après la tragédie, enthousiaste, la propagande du Kremlin a annoncé au monde entier comment elle comptait utiliser ce carnage pour atteindre ses propres objectifs. Et c’est Serguei Markov qui a exposé le plus ouvertement les plans du Kremlin :

1. Il faut immédiatement renforcer la sécurité à Moscou.


2. La Russie, les États-Unis et la France doivent ensemble écraser l’État Islamique en Syrie, en Irak et en Libye.


3. Il faut cesser de suite le conflit, dont la cause est l’Ukraine, entre la Russie et l’Occident. Il faut remplacer la junte de Kiev par un gouvernement «technique», apporter des amendements à la Constitution, dégager les néo-nazis et organiser de nouvelles élections libres. La junte de Kiev est un des obstacles principaux à la lutte commune des États-Unis, de l’UE et de la Russie contre les terroristes.


Ainsi demain, lors de la réunion du G20, « l’homme le plus puissant du monde » proposera à l’Occident «son aide»  pour affronter DAECH, dans les meilleures traditions de la «coalition anti-hitlérienne». Et il en exigera le paiement : un blanc–seing, pour dépecer tout à fait fraternellement l’Ukraine, plus les garanties du maintien au pouvoir du bourreau « légitime».


L’Occident devra décider. Quant à moi, j’estime que dans cette situation le marchandage n'est pas de mise. Tout d’abord l’Occident n’a pas besoin de cette aide. Il saura vaincre DAECH sans l’aide d’un quelconque Poutine.


Ensuite parce qu'abandonner l’Ukraine à la merci de son voisin-agresseur est aussi amoral et dangereux pour la réputation de l’Occident que sa capitulation devant l’État Islamique.


Et le plus important : on peut abandonner  l’Ukraine, mais l’Ukraine n'abandonnera jamais. On peut mettre fin au conflit, dont l’Ukraine est la cause, entre la Russie et l’Occident.  Mais il est impossible de mettre fin au conflit  entre la Russie et l’Ukraine à propos de l'Ukraine. Car nous avons là-bas un peuple qui a foi en lui-même. L’Ukraine se battra pour son indépendance, pour sa dignité et pour son avenir européen. L’Ukraine s’est battue contre Staline jusqu’en 1953. Poutine ne tiendra pas aussi longtemps.

Gloire à l’Ukraine!



Andrey Piontkovski. L’Occident, l’État Islamique et Poutine, Obozrevatel.com, 15.11.2015

traduction du russe 
par Ukraine Crisis Media Center
avec quelques corrections
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La traduction, une arme non conventionnelle



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