mercredi 16 janvier 2013

Zaboujko & Jadan (Zabouzhko & Zhadan)







De toutes les façons à commencer par des remembrances (je tente le mot), des archives poussiéreuses, de vieilles correspondances jaunies… où voulez-vous que ça mène ? Bah alors…

Je cherchais dans les vieux papiers… importe peu d’ailleurs ce que j’y cherchais. Je suis donc tombé parmi des classeurs pleins à craquer de justificatifs de déclarations d’impôts, sur une petite traduction dont je ne gardais plus depuis longtemps le moindre souvenir. Il faut dire que 1996 ne fut pas une bonne année. (Non, ma Reine, l’annus horribilis – j’oserai pas. Même si c’est bien l’expression qui convienne.)

En tout cas, voici des mois que je répète à qui veut bien l’entendre, et surtout aux autres, que voilà, pour la première fois en traduction française, et Matios et Zaboujko et Jadan

Approchez – approchez, mesdames et messieurs !

Le grand Jadan pour la première fois en français.

Tandis que déjà l’Europe toute entière s’en délecte sans remords * !

D’habitude là je commence « Les grands sites industrielles meurent comme meurent les dinosaures… » Ensuite c’est selon. Soit je passe à M. Ling, le photographe de Vienne, qui est une « ville de culture morte, et non d’industrie morte ! », soit, si l’écoute ne peux visiblement pas être très longue directement au passage du « Coca Cola ». Un masterpiece. Dont je vire les prostitués. Parce que lorsque l’on ne connait pas leur origine, elles viennent là comme le premier cheveu blanc sur une soupe de tomate.

Jadan, je pourrai en parler des heures. D’ailleurs c’est ce que je fais.

Il faut que tu réduises drastiquement ta consommation de Jadan, papa, dit ma fille, attentionnée. Ça fait des années que je la soûle avec Jadan.
jadan, jadan, jadan. spam, spam, spam…

Attention : l’abus de Jadan peut être nocif pour votre santé.
Consommez avec modération.

Alors que Zaboujko pas du tout. Elle a beau se démener, fourrer des scènes porno un peu partout (vous vous souvenez de la fellation que fait la petite Juive pas sympathique au beau nationaliste oukraïnien dans l’abri des montagnes ?**) – nada.
Pas subversive pour deux balles.

Mais bon.

…et alors ce qui m’a tout particulièrement fait plaisir, c’est que Zaboujko, qui me recommande comme traducteur, ignore apparemment alors ma qualité de « fisd ». Je dis ça surtout à cause de « Alexander ». Même mon père n’aurait pas osé. Séquence émotion, donc, séquence souvenir :

«May, 9, 1996

Dear Mr. Liehm,

I hope I am not too late with my essay. As we agreed, it’s in Ukrainian, but I don’t think you will have problems with finding a translator. I know there’s a rather big Ukrainian community in Paris (with the weekly of their own called “Ukrains’ke Slovo”), and I’ve heard a lot of nice things about the guy from their editorial board who have already completed (they say, successfully) a number of translations of modern Ukrainian writings. His name is Alexander Pliushch (French spelling may be different from the English one), and his office phone and fax number is 4695 11 60 (I apologize at advance in case you find that my recommending him to you goes beyond my commitment, but, being aware of the complexity of my language, I can’t be but concerned about the quality of the French version of my text). ...» ***

Evidemment Antonin Liehm écrivait : « Le problème est qu’on a besoin de la traduction … pour la semaine prochaine.»

Cela dit quatre petites pages, ce n’est pas « A la recherche du temps perdu » non plus (traduction oukraïnienne – Anatole Perepadya).
Ni l’intégrale de l’œuvre de Rabelais (trad.– Perepadya).
Ni même les « Essais » de Montaigne (même jeu)…
 
Ils avaient intitulé la chose « Ma Moldavie – La Moldavie dans le dialogue culturel de l’Europe ». Et le texte de Zaboujko porte bien sûr lui aussi sur la Moldavie : « L’Odeur humide et moisie de la cave », le titre est de l’éditeur.

Je vais le mettre ici. Le texte, pas l’éditeur.


P.S. Trouvé la brochure. Un peu d'humour tchèque. Ou slovaque. Enfin qu'importe.


Un merci particulier à M. Antonin Liehm pour ce trait d’humour :

p.51
 
 
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* Ici y’a moyen de faire une incise et raconter la mésaventure d’une de ses traductions allemandes. Censurée par l’éditeur : «Si l’on n’enlève pas ce passage, le livre sera retiré de la vente, et l’on risque la prison...»
Але на Сході ще є країна, / вона сьогодні,можливо, єдина, / де сонце свободи не встигло зайти....

** Bien sûr que non, suis-je bête : le « Musée » n’a pas encore été traduit en français.

*** Malgré, ou peut-être grâce à, mon très grand respect pour la « Parole Ukrainienne », je n’ai jamais fait partie de sa rédaction. Curieusement, et les deux choses sont peut-être liées, Jacques Chevtchenko, dans sa bibliographie des ouvrages en français sur l’Oukraïne, indique – par erreur – que les nouvelles de Khvylovy sont parues aux éditions dudit journal. Il existait une croyance à l’époque que les choses oukraïniennes ne pouvait s’éditer que là. Que les Français étaient à ce point…
Ces éditions fameuses ont longtemps gardé la palme du nom le plus ridicule de Paris : PIUF. Je vous jure que c’est vrai.

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