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lundi 4 décembre 2017

Deux ans après le procès Schwartzbard, "...mais Hébron, mais Safed."

Nous autres, sionistes ou sympathisants du nationalisme juif, nous disons volontiers qu'il y avait quatre villes sur la terre promise où la vie juive n'a jamais cessé : Jérusalem, Safed, Tibériade, et en dernier lieu Hébron.
Tombeau du Premier Juif. 
Caveau des Patriarches.

Enfants juifs innocents

Vous ne trouvez pas qu'un sentiment de malaise se fait en lisant cette formule "enfants juifs innocents" ? Car si ce sont des enfants, comment peuvent-ils être autre chose qu'innocent ? Et qu'importe dès lors qu'ils soient blonds ou crépus, poupons ou émaciés, noirs, bruns ou à la peau diaphane. Le regard bleu, noir, noisette... ou aveugle. Comme si l'on supposait, sans le dire, et peut-être sans se l'avouer, qu'il peut y avoir des enfants juifs... coupables. Et cela marche pour tous les enfants, essayez : l'enfant syrien au gaz sarin, l'enfant tutsi à la machette, l'enfant soldat de l'Armée du Seigneur, l'enfant chahid, l'enfant bouclier, l'enfant oukraïnien dans la fosse (ou bien en marinade) et l'enfant juif à toutes les sauces. L'enfant juif dans les bras de sa mère qui restera vivante... Et les enfants de Ada, aujourd'hui. Voici l'histoire.
Elle se passe deux ans après le procès Schwartzbard. A l'été 1929.

Dès le 27 juillet, l'atmosphère s'épaissit à Jérusalem autour du mur des Pleurs. Les musulmans ayant fait revenir le gouvernement palestinien sur sa décision de maintenir le statu quo, ont surélevé sur la gauche une muraille jugée en mauvais état, et, dans le fond de la ruelle, ils ont percé une porte.
Cette porte répond à une urgente nécessité : celle d'embêter les Juifs. Les Arabes commencent. A l'heure de la prière, ils passent. Comme les Arabes se promènent souvent avec des ânes, les ânes suivent, et, comme les ânes sont intelligents, ils ne manquent pas de se lamenter en  longeant le mur des Lamentations. La presse juive se fâche. Les Juifs tiennent justement, en ces jours, un congrès à Zurich. Télégrammes à Zurich. Le congrès envoie deux de ses membres à Londres pour protester.

Le 15 août est un jour de deuil juif. C'est l'anniversaire de la destruction du Temple. La veille, les Juifs sont allés en procession au mur. Le 15, ils ont tenu des meetings dans tout le pays contre l’attitude des Arabes. Mais le 15 également se place un fait considérable. Environ quatre cents Jeunes-Juifs ont quitté Tel-Aviv pour Jérusalem et, maintenus par la police, se sont rendus fièrement devant le mur. Là, l'un d'eux se détacha des rangs et prononça un discours. Un autre déploya le drapeau bleu et blanc, nouvel étendard de la terre d'Israël.

Ce fut l'acte le moins politique, le plus  imprudent commis par les Juifs depuis leur  retour en Palestine. Il signifiait aux Arabes que désormais les Arabes n'auraient plus affaire avec les vieux Juifs à papillotes, mais avec eux, les glabres, les larges d'épaules, les costauds à col Danton !
L'impatience, l'orgueil des jeunes troupes  apportaient aux ennemis l'occasion attendue.
Les ennemis la saisirent.


En face de la porte de Damas s'élève une grande bâtisse style château fort ; ce sont les bureaux du haut-commissariat anglais. Six jeunes Juifs formant groupe sont là, dehors. Ils feraient mieux de se retirer, de laisser libre champ à la vague fanatique. Ils demeurent, représentant à eux six la révolte de la novelle âme juive. Ils en ont assez d'entendre dire que le Juif ne sait que courber le dos. Un orgueil [HADAR] trop longtemps contenu leur fait oublier que l'héroïsme ne marche pas toujours de front avec la raison. L'un des six, un journaliste autrichien, le docteur von Veisel, refuse de céder un mètre de sol à la colonne qui s'avance. Un musulman marche sur Veisel. Les deux hommes s'empoignent. Veisel a le dessus.

- Eh bien ! crie-t-il aux quatre soldats anglais et aux policiers qui sont là, devant les bureaux, l'arme au pied, un homme m'attaque, je le maintiens, venez l’arrêter !

Les agents de l'autorité ne bougent pas. Deux Arabes se détachent à leur tour et poignardent Veisel dans les dos.

Les représentants de la loi contemplent le spectacle ; ils ne froncent même pas les sourcils. Pourquoi, alors, se gênerait-on ? Et les musulmans se précipitent sur les Juifs surpris par l’événement. Tous ceux qui passent y "passent".
Plus on tue de Juifs, plus la police demeure immobile.



Ils tuent. Ils chantent.
Deux Anglais, étudiants d'Oxford, voyageant en Terre sainte, se jettent dans l'émeute. Il ne sera pas dit que des Anglais n'essayeront point d'arrêter la danse. Ils adjurent les musulmans. Ils sont jeunes ! Ils ne comprennent rien à la politique !

Et voilà que s'allument les ghettos d'Hébron et de Safed.
Tel Josephe, Gerdi, Nahalal doivent se défendre dans la plaine de Jesraël.
La main-d’œuvre arabe est décidément à bon prix : les assassins n'auront droit qu'à dix cigarettes par tête de Juif !
Holà, l'Europe !  

[1929]
Mais l'avenir, aujourd'hui, n'est pas notre affaire.
Le 23 août, le jour du grand mufti, deux étudiants talmudistes sont égorgés. Ils ne faisaient pas de discours politiques, ils cherchaient le Sinaï du regard, dans l’espoir d'y découvrir l'ombre de Dieu !
Le lendemain, dès le matin, des Arabes marquent leur inquiétude sur le sort des Juifs. Tous les Arabes ne font pars partie des fanatiques. La virginité d'esprit n'est heureusement pas générale en terre d'Islam.

- Sauvez-vous ! disent-ils aux Juifs.

Quelques-uns offrent aux futures victimes l'hospitalité de leur toit. L'un d'eux, même, ami d'un rabbin, marche toute la nuit et vient se planter devant la maison de son protégé. Il en défend l'entre aux fous de se race.
Lisez.
Une cinquantaine de Juifs et de Juives s'étaient réfugiés, hors du ghetto, à la Banque anglo-palestinienne, dirigée par l'un des leurs, le fils du rabbin Slonin. Ils étaient dans une pièce. Les Arabes, les soldats du grand mufti, ne tardèrent pas à les renifler. C'était le samedi 24, à neuf heures du matin. Ayant fait sauter la porte de la banque... Mais voici en deux mots  ; ils coupèrent des mains, ils coupèrent des doigts, ils maintinrent des têtes au-dessus d'un réchaud, ils pratiquèrent  l'énucléation des yeux. Un rabbin, immobile, recommandait à Dieu ses Juifs : on le scalpa. On emporta la cervelle.  Sur les genoux de Mme Sokolov, on assit tour à tour six étudiants de la Yeschiba et, elle vivante, on les égorgea. On mutila les hommes. Les filles de treize ans, les mères et les grand-mères, on les bouscula dans le sang et on les viola en chœur.

Mme X... est à l'hôpital de Jérusalem. On a tué son mari à ses pieds, puis saigné son enfant dans ses bras. "Toi, tu resteras vivante..." lui répétaient ces hommes du vingtième siècle !

Aujourd'hui, elle regardait par la fenêtre, d'un regard fixe et sans larme !

Le rabbin Slonin, si noir, si Vélasquez, est là aussi. Il parle :
- Ils ont tué mes deux fils, ma femme, mon beau-père, ma belle-mère.
Ce rabbin dit cela naturellement, d'une voix de greffier lisant un rapport.
Mais il va pleurer :
Hébron
- En 1492, ajoute-t-il, les Juifs chassés d'Espagne avaient apporté un rouleau de la Loi à Hébron, un saint rouleau, une divine thora. Les Arabes ont brûlé ma thora.
Et le rabbin Slonin essuie deux larmes sur ses joues d'acier bruni.
Vingt-trois cadavres dans la pièce de la banque. Le sang recouvre encore le carrelage comme d'une gelée assez épaisse.


Or les Arabes n'attaquent pas Tel-Aviv, mais Hébron... mais Safed. Je n'ignore pas que Ragheb bey El-Nashashibi, franc comme l'épée, s'excuse en disant : "A la guerre comme à la guerre. On ne tue pas ce qu'on veut, mais ce qu'on trouve."

- J'étais en vacances chez mes parents. Je fais mes études en Syrie, chez les pères français d'Antoura. Depuis dix jours, les Arabes...
- Je sais. Après ?
- Alors, le 29, nous étions tous réunis à la maison. Nous entendons frapper. Mon père va à la fenêtre. Il voit une cinquantaine d'Arabes. "Que voulez-vous, mes amis ? leur demande-t-il.
- Descends ! Nous voulons te tuer avec ta famille." mon père les connait presque tous. "Comment ? Vous êtes mes voisins ; je vois, dans votre groupe, plusieurs de mes amis. Depuis vingt ans, nous nous serrons la main. Mes enfants ont joué avec vos enfants. 
- Aujourd'hui, il faut  qu'on te tue !"
"Mon père ferme la fenêtre et, confiant dans la solidité de notre porte, il se retire avec maman, mes deux sœurs, mon petit frère et moi dans une chambre du premier.
"Bientôt des coups de hache dans la porte. Puis un grincement : la porte a cédé. Mon père dit : "Ne bougez pas. Je vais encore aller leur parler." Il descend. Au bas de l'escalier, en tête de l'invasion est un Arabe, son ami. Mon père lui ouvre les bras et va vers lui pour l'embrasser en lui disant : "Toi, au moins, tu ne me feras pas de mal, ni à ma famille." L'Arabe tire son couteau de sa ceinture et, d'un seul coup, fend la peau du crâne de mon père. Je descendais derrière, je ne pus me retenir. Je brisai une chaise sur la tête de notre ami.
"Mon père s'affaissa. L'Arabe se baissa et lui redonna onze coups de poignard. Après il le regarda, le jugea mort et partit rejoindre les autre qui pillaient dans la pièce à côté.
- Bien !
- Après avoir pillé ils mirent le feu à la maison. Je fis sortir maman, mes sœurs, mon petit frère enfermés dans l'armoire. Nous allions trainer le père hors de l'incendie quand les furieux revinrent. Voyant du sang dans l'escalier ils dirent : "Les autres l'ont égorgé, cherchons son corps." Alors, me tournant vers ma grande sœur, je criai en arabe : "Donne-moi le revolver, Ada !" C'était une ruse. Nous n'avions pas de revolver. Ma sœur fait mine de chercher. Ils ont eu peur ! ils sont partis."



-  Je m'appelle Abraham Lévy, je suis sujet français, algérien. Je suis gardien à l'Ecole de l'Alliance israélite. J'ai tout vu. Quand ils sont entrés à l'école, ils ont dit : "Abraham est de nos amis, il ne faut pas le tuer, mais seulement lui couper les mains." Je m'étais enfui sur le toit. "Abraham ! criaient-ils, où es-tu ? Tu es notre ami, nous ne voulons que te couper une main !"
Je les connaissais tous. Tous étaient de bons camarades. J'ai pu me sauver.

Et le grand rabbin Ismaël Cohen ?
Trois mois auparavant, me promenant dans le ghetto de Safed, j'avais rendu visite au vieillard. Depuis dix ans, il n'avait plus touché de son pied le raide escalier de son nid de pierres. Quatre-vingt-quatre ans d'âge, une fière tête, un fameux savant du Talmud.

Il l'ont égorgé aussi !
Je repris le chemin de sa maison. Je gravis l'escalier. La porte n'était plus fermée. Sur le divan où naguère il était assis pour me recevoir, des loques ensanglantées traînaient. Une mare de sang séché, comme une glace vue de dos qui se serait brisée là, tachait le carrelage. Au mur, l'empreinte de ses doigts sanglants.

- Monsieur le grand rabbin, lui avais-je dis, à cette même place, permettez que mon ami Rouqayrol fasse un croquis de vous.
- Chers  visiteurs, avait-il répondu, la loi de Moïse le défend, mais Ismaël Cohen ne voit plus clair, il n'en saura certainement rien !
Et il nous avait tendu sa main blanche.

Sa main est là, aujourd'hui, sur le mur, tout rouge !

C'est ce que l'on appelle un mouvement national !

[La vie juive à Hébron a cessé après les massacres de 1929.]


-Voyons ! dis-je encore à votre chef, vous ne pouvez cependant pas tuer tous les Juifs. Ils sont cent cinquante mille. Il vous faudrait trop de temps !
- Mais non ! fit-il d'une voix très douce, deux jours !
- Soixante-quinze mille par jour ?
- Mais oui !

Je demandais aux dix s'ils étaient d'accord avec Ragheb bey ?
- D'accord !
- Alors, messieurs, quand les troupes anglaises reprendront le bateau, faites-moi l'amitié de me télégraphier. Je crois que vous présumez de vos forces. Les nouveaux Juifs en se laisseront pas saigner. Je suis même certain qu'ils vous donneront du fil à retordre. Ce sera une rude bataille. Voici mon adresse. N'oubliez pas de me prévenir. Je reviendrai vous voir travailler. A bientôt !

[ Albert Londres se met en scène au début de ce post scriptum à son Juif errant : ]

Rentré en France, j'en étais là de mon récit quand, au début d'un beau soir, un ami poussa ma porte et me jeta :
- On tue tes Juifs à Jérusalem.




Décembre 2017
Il y a de nouveau une vie juive à Hébron aujourd'hui. La vie juive n'a pas cessée dans quatre villes de la terre promise : Jérusalem, Safed, Tiberiade et Hébron. C'est ce que nous disons, nous autres, sionistes ou sympathisants du nationalisme juif.

Et ces mioches au balcon, à Hébron, kippa bigarrée sur la tête, fiers héritiers des vieux Juifs à papillotes et des nouveaux Juifs aux épaules larges, fils de rois, comme tous les enfants, ils sont un bonheur pour les yeux et pour la pensée. D'aucuns diront une bénédiction.






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