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jeudi 31 janvier 2013

Un vieux tract du Comité Mazepa99


Encore quelques mots sur l’attitude de la France officielle vis-à-vis de mon pays natale, l’Oukraïne.

Une citation.
Il y a aussi un problème. Il ne faut pas se tromper. Le démembrement de la Russie… C’est-à-dire le fait que l’Ukraine est indépendante… qui est… Je dis souvent en France… Je ne sais pas si… C’est comme si le Rhône-Alpes était indépendant. N’est-ce pas ? Valéry Giscard d’Estaing, le 8 février 1993.
Arrogance impériale… noblesse d’Empire.

lundi 28 janvier 2013

Prokhasko à venir et quelques souvenirs


Actuellement je lis, ou plutôt j’étudie avec la plus grand soin «La Mythologie houtsoule. Dictionnaire ethnolinguistique» de Natalya Khobzeï. Une aide précieuse pour la traduction des Neprosti. Comment aurais-je su sinon que contrairement à ce qu’affirme le dictionnaire de Hryntchenko, verkhoblyoudnyk n’est pas un chameau (des chameaux dans les Carpates ?), mais l’un des Neprosti, le possesseur d’une pièce magique, qui revient toujours à son propriétaire en ramenant l’argent qui se trouve autour. C’est intéressant de traduire une œuvre faisant appel à des réalités si différentes de celles que je peux connaître. Le livre de Natalya Khobzeï permet aussi de mesurer combien Prokhasko s’éloigne de la mythologie houtsoule, comment il en joue. Taras Prokhasko est un écrivain pas simple, étrange et merveilleux.


 
Nous sommes plus ou moins du même âge, mais nos vies se sont passées très différemment. Cela dit nous avons en commun notamment un point de nos biographies : les petits boulots improbables. Ainsi il a été barman, et moi j’ai été serveur dans un cabaret russe, « La Balalaïka ». Un endroit parisien étonnant, une cave profondément enfouie dans la montagne Ste Geneviève. Elle appartenait (et j’espère appartient toujours) à un fameux joueur de balalaïka : Marc Loutchek. Premier prix du Conservatoire de balalaïka de Paris, Marék avait formé le meilleur groupe de musiciens tsiganes de Paris. Pour preuve : les vendredis et les samedis, après la tournée des restaurants et cabarets russes, au petit matin, les autres musiciens « russes » venaient là pour boire un coup et jouer pour le plaisir. Ce qui donnait parfois des jam-sessions fabuleuses.
Un bon souvenir « La Balalaïka ».

Je faisais d’autres choses aussi, par-ci, par-là. De la traduction technique, de l’interprétariat, pour la télé notamment, dérushage, sous-titres… En même temps j’étais sur la liste des interprètes du Quai d’Orsay. Le Protocole exigeant que l’on s’adresse en oukraïnien aux délégations officielles et l’indépendance ayant pris les Français totalement de court... Exactement comme lors de la première indépendance. Ainsi étais-je chargé de traduire pour Mme Koutchma lors de la visite officielle de son président de mari en 1997. Les Oukraïniens le savent, mais les Français apparemment l’ignoraient : Mme Koutchma ne parle pas oukraïnien et le comprend avec peine. Des collègues m’ont raconté son martyre lors de la visite au Canada. Les Canadiens lui ayant fourni un interprète oukraïnien-français-anglais natif du lieu et qui ne parlait donc pas la langue des voisins. Cette fois elle avait pris ses précautions : elle avait amené un interprète personnel. J’avais donc tout loisir à observer le monde très curieux des relations internationales et des rencontres au sommet, sans le stress de l’interprète au travail. « Traduire, c’est comme manger son propre cerveau » disait Anna Akhmatova lorsqu’interdite de publication elle fut obligée de traduire pour avoir de quoi manger. Si c’est vrai, et c’est certainement vrai pour un poète, interpréter c’est le faire dans un fast-food. Manger son propre cerveau à la va-vite et avec les mains.

Tiens, j’ai mangé une pomme ce midi, dit ma fille, ironique.

Bien sûr le petit personnel, dont les interprètes font certainement parti, ne mange pas à la table des grands de ce monde. D’ailleurs l’interprète est assis légèrement en retrait lors des festins officiels et chuchote à l’oreille de l’hôte de marque pendant que celui-ci se remplie la panse. La cuisine officielle française est excellente, je dois dire. (Ou alors les Oukraïniens étaient vraiment affamés.) Quant à moi, j’allais manger dans un établissement de restauration rapide. J’aime bien créer dans ma vie de petits épisodes ironiques pour mon seul plaisir. Un fast-food américain, évidemment.
 
Mais j’étais de retour pour assister au dîner offert par M. le Ministre des Affaires Etrangères. J’en profitais pour visiter le Quai d’Orsay côté faste. (Vous n’avez pas idée de la fourmilière, en grande partie souterraine, que représente le Quai d’Orsay côté employés. Il faut ainsi un bon quart d’heure pour aller de la porte de service, rue Robert Esnault-Pelterie, au Bureau des traducteurs.)

 
Lors de ce dîner il y eu comme une sorte d’incident diplomatique. Je fus peut-être le seul à en apprécier l’exquise ironie. (Vous allez comprendre, puisque j’ai gardé l’invitation en souvenir.)


 
Et ne me demandez pas d’en traduire le sens depuis le langage diplomatique vers la langue des hommes.
 
Je n'ai vraiment rien d'un diplomate.

 
Je suis traducteur d’oukraïnien.




Je traduis les Neprosti de Taras Prokhasko.

Переклад українською/En oukraïnien :
 life.pravda.com.ua

mercredi 23 janvier 2013

Khvylovy à la bibliothèque impérialiste de france


Nous apprenons dans l’article que lui consacre dans «Encyclopedia of Ukraine» Ivan Kochelivets, que Mykola Khvylovy devint membre du Parti Communiste (Bolchevik) d’Oukraïne en 1919.

Il prendra part dans ce que l’on appelle la «guerre civile russe» dans les rangs de l’Armée rouge.
 ...
En 1926 il mettra hors de lui Joseph Staline : «Aujourd’hui, quand les classes prolétariennes de l’Europe de l’Ouest et leurs partis communistes débordent de sympathie pour Moscou, cette citadelle du mouvement révolutionnaire mondial et du léninisme, aujourd’hui, quand les prolétaires de l’Europe de l’Ouest dirigent un regard enthousiaste vers le drapeau qui flotte à Moscou, le communiste ukrainien Khvylovy ne trouve rien à dire en faveur de Moscou, mais appelle au contraire les Ukrainiens à « fuir Moscou au plus vite ». Et on nomme cela internationalisme ! Que dire aux intellectuels ukrainiens du camp non-communiste quand les communistes se mettent à parler, et non seulement à parler, mais même à écrire dans notre presse soviétique la langue de Khvylovy ?»
 

La lettre écrite juste avant son suicide se termine par ces mots :

Vive le communisme !
Vive la construction socialiste !
Vive le parti communiste !
 

Un peu vite nous venons de faire le tour de la biographie politique du plus remarquable prosateur de cette brève période des années 20, que Youriy Lavrynenko avait nommé «La Renaissance fusillée».

Comme vous le savez, chers lecteurs de ce modeste blog, j’ai traduit quelques-unes de ses nouvelles. Dont le recueil est paru aux Editions du Rocher en 1993. (Conformément à la loi française quelques exemplaires ont atterris à la Bibliothèque Nationale.)

Toujours curieux des traces de mon existence sur la toile, j’ai trouvé hier une fiche très instructive, proposée par l’ABES (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur) consacrée à Mykola Khvylovy. La voici (en cliquant dessus vous vous retrouverez sur la page originale) :

 

Il faut dire que pour un impérialiste russe tout Oukraïnien qui réclame le respect de ses droits nationaux est un «traitre à la Patrie», un «séparatiste», un «nationaliste oukraïnien». Pour la plupart d’entre eux le fait même de se dire Oukraïnien est en soi un crime puisqu’un tel peuple n’existe simplement pas (nous serions, selon eux, des Petits-Russes, uni avec les Bela-Russes et les Grands-Russes, au sein d’un peuple Russe supposé un et indivisible).
 
 "Le problème des gens qui considèrent que les Belarusses, les Russes et les Oukraïniens sont un seul et même peuple est qu’ils ne sont pas capables de le dire ni en bélarusse ni en oukraïnien."


Revenons maintenant à notre petite fiche, où vous avez pu lire comme moi que Mykola Khvylovy était
Prosateur et auteur de pamphlets. Nationaliste ukrainien.

Communiste de 1919 à sa mort, Mykola Khvylovy s’est opposé à la dérive impérialiste de l’Union Soviétique de Joseph Staline – il est donc un nationaliste oukraïnien. Pour un impérialiste russe en tout cas.


Comme le disait l'admirable Pierre Desproges :
Etonnant, non ?

dimanche 20 janvier 2013

Oksana Zaboujko - Mise au point

Evitons les malentendus inutiles. Que je ne sois pas un grand fan de Mme Zaboujko est une chose. Qu’elle soit un écrivain contemporain important en est une autre. Je m’en vais illustrer mon propos d’une façon visuelle, pour que vous compreniez mieux.

Le roman qui rendit célèbre cet auteur s’intitule « Recherches de terrain du sexe oukraïnien » et fut édité en 1996. Réédité en 1998, 2000, 2002, 2003, 2004, 2006, 2007, 2008 et 2009. (Maintenant que Finik a pris la poudre d’escampette, je ne sais pas qui va le rééditer. Mais je ne me fais pas le moindre souci à ce propos.) Voici les couvertures des traductions que j’ai trouvées :

Oksana Zaboujko - 1996, 1998, 2000, 2002, 2003, 2004, 2006, 2007, 2008, 2009Oksana Zaboujko - 1999 Oksana Zaboujko - 2001, 2002 Oksana Zaboujko - 2001, 2002 Oksana Zaboujko - 2003 Oksana Zaboujko - 2005 Oksana Zaboujko - 2006 Oksana Zaboujko - 2006 Oksana Zaboujko - 2007 Oksana Zaboujko - 2008 Oksana Zaboujko - 2008 Oksana Zaboujko - 2008 Oksana Zaboujko - 2008 Oksana Zaboujko - 2008 Oksana Zaboujko - 2009 Oksana Zaboujko - 2011

Son recueil de nouvelles « Sœur, sœur » n’a été intégralement traduit qu’en tchèque et en polonais :

Oksana Zaboujko - 2003, 2004, 2006, 2008, 2009Oksana Zaboujko - 2006 Oksana Zaboujko - 2007

Mais des nouvelles de ce recueil sont aussi parues séparément ou dans des anthologies :

Oksana Zaboujko - 1998 Oksana Zaboujko - 2005 Oksana Zaboujko - 2006

 
* * *
 
... L’année 2010 en Oukraïne fut marquée par deux évènements, l'un abominable et l'autre plutôt bon – la sortie du très attendu second roman de Zaboujko, « Le Musée des secrets abandonnés » (plus de huit cent pages) :

Oksana Zaboujko - 2009Oksana Zaboujko - 2010 Oksana Zaboujko - 2012

D’autres traductions sont en cours de parution ou de traduction. Dont une version turque.
 
* * *

En parlant de Turcs, la plus exotique traduction de Zaboujko, un conte :

Oksana Zaboujko - 2000, 2001Oksana Zaboujko - 2006

(Ce n’est pas de l’arabe, c’est du farsi.)
 
* * *
 
A dire vrai, ce qui m’intéresse beaucoup plus dans ce que fait Mme Zaboujko est son travail... disons son travail de lectrice. Son livre « Le mythe de l’Oukraïne de Chevtchenko » qui poursuit la relecture iconoclaste et vivifiante de Taras Chevtchenko, déjà engagée par George Grabowicz (« The Poet as Mythmaker: A Study of Symbolic Meaning in Taras Ševčenko » 1982) et Leonid Pliouchtch (« Ekzod Tarassa Chevtchenka » 1986). Son petit livre sur Ivan Franko : « La philosophie de l’idée oukraïnienne et le contexte européen : époque de Franko » (qu’il convient de compléter par celui de Yaroslav Hrytsak « Prorok ou svoïi vitchyzni » 2006). Mais surtout son « Notre Dame d’Ukraine » - un renversement complet de notre vision de Lessya Oukraïnka.
A sa sortie, le scandale avait été encore plus grand qu’au moment de la parution des « Recherches… »
 
 
* * *
 
En français ?

Mais je vous l’ai dit : compte non tenu du petit texte sur la Moldavie, «Prof de tennis» (dans la petite anthologie rouge) est la première traduction de Zaboujko en français.
 
Intellectuellement paresseux, dites-vous ? Peut-être bien…

mercredi 16 janvier 2013

Zaboujko & Jadan (Zabouzhko & Zhadan)







De toutes les façons à commencer par des remembrances (je tente le mot), des archives poussiéreuses, de vieilles correspondances jaunies… où voulez-vous que ça mène ? Bah alors…

Je cherchais dans les vieux papiers… importe peu d’ailleurs ce que j’y cherchais. Je suis donc tombé parmi des classeurs pleins à craquer de justificatifs de déclarations d’impôts, sur une petite traduction dont je ne gardais plus depuis longtemps le moindre souvenir. Il faut dire que 1996 ne fut pas une bonne année. (Non, ma Reine, l’annus horribilis – j’oserai pas. Même si c’est bien l’expression qui convienne.)

En tout cas, voici des mois que je répète à qui veut bien l’entendre, et surtout aux autres, que voilà, pour la première fois en traduction française, et Matios et Zaboujko et Jadan

Approchez – approchez, mesdames et messieurs !

Le grand Jadan pour la première fois en français.

Tandis que déjà l’Europe toute entière s’en délecte sans remords * !

D’habitude là je commence « Les grands sites industrielles meurent comme meurent les dinosaures… » Ensuite c’est selon. Soit je passe à M. Ling, le photographe de Vienne, qui est une « ville de culture morte, et non d’industrie morte ! », soit, si l’écoute ne peux visiblement pas être très longue directement au passage du « Coca Cola ». Un masterpiece. Dont je vire les prostitués. Parce que lorsque l’on ne connait pas leur origine, elles viennent là comme le premier cheveu blanc sur une soupe de tomate.

Jadan, je pourrai en parler des heures. D’ailleurs c’est ce que je fais.

Il faut que tu réduises drastiquement ta consommation de Jadan, papa, dit ma fille, attentionnée. Ça fait des années que je la soûle avec Jadan.
jadan, jadan, jadan. spam, spam, spam…

Attention : l’abus de Jadan peut être nocif pour votre santé.
Consommez avec modération.

Alors que Zaboujko pas du tout. Elle a beau se démener, fourrer des scènes porno un peu partout (vous vous souvenez de la fellation que fait la petite Juive pas sympathique au beau nationaliste oukraïnien dans l’abri des montagnes ?**) – nada.
Pas subversive pour deux balles.

Mais bon.

…et alors ce qui m’a tout particulièrement fait plaisir, c’est que Zaboujko, qui me recommande comme traducteur, ignore apparemment alors ma qualité de « fisd ». Je dis ça surtout à cause de « Alexander ». Même mon père n’aurait pas osé. Séquence émotion, donc, séquence souvenir :

«May, 9, 1996

Dear Mr. Liehm,

I hope I am not too late with my essay. As we agreed, it’s in Ukrainian, but I don’t think you will have problems with finding a translator. I know there’s a rather big Ukrainian community in Paris (with the weekly of their own called “Ukrains’ke Slovo”), and I’ve heard a lot of nice things about the guy from their editorial board who have already completed (they say, successfully) a number of translations of modern Ukrainian writings. His name is Alexander Pliushch (French spelling may be different from the English one), and his office phone and fax number is 4695 11 60 (I apologize at advance in case you find that my recommending him to you goes beyond my commitment, but, being aware of the complexity of my language, I can’t be but concerned about the quality of the French version of my text). ...» ***

Evidemment Antonin Liehm écrivait : « Le problème est qu’on a besoin de la traduction … pour la semaine prochaine.»

Cela dit quatre petites pages, ce n’est pas « A la recherche du temps perdu » non plus (traduction oukraïnienne – Anatole Perepadya).
Ni l’intégrale de l’œuvre de Rabelais (trad.– Perepadya).
Ni même les « Essais » de Montaigne (même jeu)…
 
Ils avaient intitulé la chose « Ma Moldavie – La Moldavie dans le dialogue culturel de l’Europe ». Et le texte de Zaboujko porte bien sûr lui aussi sur la Moldavie : « L’Odeur humide et moisie de la cave », le titre est de l’éditeur.

Je vais le mettre ici. Le texte, pas l’éditeur.


P.S. Trouvé la brochure. Un peu d'humour tchèque. Ou slovaque. Enfin qu'importe.


Ce blog s’est trouvé une épigraphe


 
                              L’orgueil est bon, puisqu’il nous donne le courage de revendiquer pour la vérité et de réclamer ce qui nous revient de droit. L’orgueil est le rempart de toutes les libertés ; la modestie est la brèche par laquelle tous les despotismes pénètrent au cœur de l’homme. Se défendre d’être orgueilleux, c’est se défendre d’être libre, d’être homme ; c’est mentir à soi-même et aux autres, et savoir qu’on ment. 

                              Je déclare donc bien volontiers aux rédacteurs du journal l’Homme qu’ils ne se sont pas trompés en m’accusant de galoper à fonds d’orgueil à travers les steppes de l’Ukraine.

Ernest Cœurderoy, 1854

vendredi 4 janvier 2013

Andievska & Pinzel


Je sais très bien que je ne devrais pas. Mais il se trouve que j’ai en ma possession une photo, une photo de Emma Andievska dans sa période Baader-Meinhof. Et tant pis je la publie :
 









 
Et dans le même dossier (красна течка) de la documentation sur une installation de Pinzel :
« Debout les damnés de la terre… »
Il faut absolument que je vous parle de Pinzel.
Une expérience intérieure abracadabrantesque.
De la grande BD.
Pinzel. Johann Georg Pinsel Louvre baroque